«Arrêtez-vous!» Dominant le brouhaha des fidèles, l’ordre a résonné vers 19 h, dimanche via Ponticello, dans le quartier historique du Ballarò, à Palerme. Comme un seul homme, les porteurs de la statue de la Madone ont stoppé net. Devant la vitrine de l’agence de pompes funèbres de la famille d’Alessandro D’Ambrogio, l’un des boss émergents de la mafia palermitaine.
Durant cinq longues minutes, racontait hier le quotidien La Repubblica, la procession en l’honneur de la Madonna del Carmine va interrompre sa marche, rendant une manière d’hommage au capo mafia qui avait l’habitude de réunir ses fidèles lieutenants dans la boutique familiale. Jusqu’à son arrestation, le 2 juillet de l’an dernier et son incarcération dans la prison de Novare.
«Oui, c’était un arrêt anormal», confiait hier à La Repubblica frère Vincenzo, recteur de l’église du Carmine Maggiore. «Je marchais devant la procession en récitant le rosaire quand je me suis retrouvé tout seul. J’ai alors compris ce qui se passait et suis revenu sur mes pas. On soulevait alors un enfant pour qu’il puisse embrasser la statue de la Vierge. Puis la procession s’est remise en marche.»
Défier les autorités religieuses
Ce nouvel épisode d’une procession se muant en un double défi – aux autorités civiles et religieuses – intervient un peu plus d’un mois après la visite remarquée du pape en Calabre. C’était le 21 juin. François avait appelé les catholiques à «combattre» la ‘Ndrangheta, la puissante mafia locale, «excommuniée» parce qu’elle «méprise le bien commun». Devant 100’000 personnes rassemblées pour une messe, près de Cassano Jonio, le pape avait estimé que «ceux qui dans leur vie ont choisi cette voie du mal, comme les mafieux, seront excommuniés».
Il y a deux ans, rappelle La Repubblica, Alessandro D’Ambrogio, vêtu de la casaque de la Confrérie Maria Santissima del Monte Carmelo, portait encore fièrement la statue de la Vierge dans les rues de son quartier. Aujourd’hui, il est accusé d’avoir réorganisé la mafia palermitaine, de lui avoir redonné son efficacité dans les domaines de l’extorsion et du racket, et surtout d’avoir remis de l’ordre dans le trafic de la drogue.
«Mais, conclut Frère Vincenzo, depuis quelque temps, la Curie a décidé de sévir», n’hésitant pas à dissoudre une confrérie trop liée à un parrain de la mafia. Dimanche, enfin, le cardinal Paolo Romeo a envoyé un observateur à la procession qui traversait le Ballarò. Cela n’a pas empêché la Madone de saluer le boss.
(Newsnet)
