En défaut de paiement, l’Argentine crie à l’injustice

«Nous nous remettons au travail», a souligné le juge Griesa, lors d’une audience à New York qu’il a convoquée deux jours après l’échec des négociations entre Buenos Aires et deux fonds spéculatifs américains.

Le juge a par ailleurs rejeté une demande des avocats de l’Argentine de trouver un remplaçant au médiateur nommé par la justice, Daniel Pollack, Buenos Aires disant ne plus avoir confiance en lui après ses déclarations faites dans la foulée de l’échec des négociations mercredi.

«Il faut arrêter avec toute idée de perte de confiance. Ce en quoi l’on peut avoir confiance c’est dans des propositions, des recommandations. C’est ce qui importe», a affirmé le juge lors de l’audience qui a duré un peu moins d’une heure. Aucune décision n’a été prise concernant les 539 millions de dollars (490 millions de francs) dûs aux créanciers restructurés de l’Argentine.

Régler la dette aux fonds «vautours»

Cette somme, bien que versée par Buenos Aires le 26 juin, est bloquée dans une banque américaine car le juge a ordonné à l’Argentine de régler sa dette aux fonds «vautours» avant de procéder à tout remboursement de dette auprès des autres créanciers.

L’Argentine avait lancé mercredi et jeudi de lourdes accusations contre le juge Thomas Griesa et le médiateur Pollack nommé par ce dernier, et plus généralement mis en cause l’indépendance de la justice américaine, qu’elle accuse de bienveillance vis-à-vis des fonds «vautours» NML et Aurelius.

«Défaut partiel»

L’agence de notation Fitch avait auparavant déclaré la dette argentine en «défaut partiel», comme l’avait fait Standard and Poor’s, à la suite de quoi la Bourse de Buenos Aires perdait 8,4%, après avoir flambé mardi et mercredi.

Pour la présidente de centre-gauche Cristina Kirchner, l’Argentine n’est pas en défaut de paiement. «Défaut sélectif? Cela n’existe pas, a-t-elle insisté. Le défaut, c’est de ne pas payer. Nous avons la vocation de dialoguer mais mais nous devons défendre nos droits et les intérêts du pays». «Que ce monde mette un frein aux fonds vautours et aux banques insatiables qui veulent s’enrichir avec une Argentine à genou», a-t-elle ajouté.

Dans un pays déjà fragilisé par la récession, 30% d’inflation et un déficit budgétaire, l’inquiétude monte, même si la situation est loin d’être aussi grave que lors de la crise de 2001. Buenos Aires continue de payer ses autres créanciers, alors qu’en 2001, l’Argentine s’était déclarée en défaut pour 82 milliards de dollars.

Parti-pris

Le chef du gouvernement argentin Jorge Capitanich a dénoncé le parti-pris de la justice des Etats-Unis et menacé de saisir des instances internationales.

L’Argentine martèle que si elle s’exécute, elle viole la clause RUFO figurant dans les contrats de la dette restructurée en 2005 et 2010 libellés à New York, spécifiant que tous les créanciers doivent bénéficier des mêmes conditions de remboursement.

La décision de la justice américaine ordonnant à l’Argentine de payer 100% de la valeur des bons aux fonds NML et Aurelius (1% des créanciers) contrevient à cette clause, car 93% des créanciers restructurés touchent environ 30% des sommes initialement dues.

Avalanche de réclamations

Le gouvernement argentin a choisi de ne pas payer les 1,3 milliard de dollars, redoutant de déclencher une avalanche de réclamations des autres créanciers auxquelles Buenos Aires ne pourrait pas faire face.

Dans une lettre adressée au Congrès, une centaine d’économistes américains ont estimé que «le jugement bloquant tout paiement de l’Argentine à 93% de ses créanciers pourrait causer des dégâts économiques inutiles au système financier international et aux intérêts des Etats-Unis, de l’Argentine».

Selon les analystes, une des premières conséquences du défaut de paiement est de maintenir l’Argentine à l’écart des marchés internationaux des capitaux, alors que Buenos Aires espérait y lever à nouveau des fonds. Depuis sa faillite en 2001, l’Argentine a progressivement remboursé sa dette grâce notamment à ses exportations agricoles, passant d’un endettement de 160% du PIB à 40% actuellement.

(ats/Newsnet)