
Le gouverment Assad espère toutefois en tirer profit pour redevenir un partenaire dans la «lutte contre le terrorisme», selon les experts.
«Le régime était contraint d’accepter la réalité», assure Salman Shaikh, directeur de l’institut Brooking Doha Center. «Il aurait pu crier, menacer, taper du pied, mais il a choisi probablement de faire bonne figure. Je ne pense pas qu’il y a une grande coopération (avec la coalition), mais c’est l’impression qu’il veut donner», ajoute-t-il ce mercredi 24 septembre.
Le ministère syrien des Affaires étrangères a réagiaux frappes en affirmant que Damas soutenait «tout effort international pour combattre le terrorisme», mais que cela devait se faire en «respectant la souveraineté nationale».
Il a également insisté sur le fait que le ministre des Affaires étrangères Walid Mouallem avait reçu «lundi un message de son homologue américain John Kerry l’informant que les Etats-Unis allaient frapper des bases de Daesh (acronyme en arabe de l’État islamique) en Syrie». Ce message lui a été transmis par le chef de la diplomatie irakienne, a précisé le ministère.
Un partenaire acceptable
Isolé par les pays occidentaux pour sa répression sanglante en mars 2011 contre un mouvement de contestation pacifique qui s’est ensuite transformé en rébellion armée, le régime de Damas pense que la lutte contre les djihadistes lui offre l’opportunité de redevenir un partenaire acceptable.
Car, si les Etats-Unis sont les maîtres du ciel, le gouvernement syrien estime qu’au sol son armée est indispensable pour abattre les djihadistes et que tout se monnaie.
«La coalition va être contrainte de coopérer avec la Syrie, car il n’existe aucune force terrestre capable de combattre le terrorisme en dehors de l’armée syrienne et de ses alliés et cette coopération pourrait être le prélude à des négociations politiques», estime Bassam Abou Abdallah, directeur du centre d’études stratégiques à Damas et considéré comme proche du régime.
Lutter contre le «terrorisme»
Et selon lui, c’est exactement ce que Damas a toujours cherché: donner la priorité à la lutte contre le «terrorisme» (terme qui dans la phraséologie officielle désigne tous les insurgés), ce qui permettrait de repousser indéfiniment toute discussion sur une réforme du système autocratique en place depuis un demi-siècle.
Pour Karim Bitar, chercheur à l’institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), «les frappes pourraient indirectement profiter au régime, du moins à court terme», face à l’Occident qui répète vouloir s’en débarrasser.
«Car, explique-t-il, les groupes les plus radicaux comme l’Etat islamique ou le Front al-Nosra devront parer au plus pressé, c’est-à-dire chercher à échapper aux frappes ou à en limiter l’impact. Il y aura ainsi moins de pression exercée sur le régime».
En outre, «la coordination indirecte et tacite (via le gouvernement irakien) qui prévaut risque progressivement d’évoluer vers une coordination plus ouverte avec les États-Unis, au fur et à mesure que ceux-ci s’engagent dans une guerre de longue durée avec l’EI. C’est précisément ce qu’espère M. Assad».
Rebelles inquiets
Sur le terrain, les membres de la rébellion modérée s’inquiètent d’une telle évolution.
«Bien sûr, nous voulons que Daesh quitte Raqa, mais nous craignons que cela ne serve le régime, car il pourra se redéployer dans les zones évacuées par Daesh», souligne le militant Abou Youssef, implanté dans la province de Raqa, fief de l’EI.
L’expert Salman Shaikh se montre plus circonspect. «Il faut attendre pour voir à qui vont profiter à long terme les frappes aériennes. Ce qui est clair, c’est qu’il n’y a pas actuellement du côté de l’opposition des forces capables d’en tirer avantage et que le régime de M. Assad n’a pas les moyens de s’étendre vers l’est».
D’après M. Shaikh, le régime va chercher à établir des contacts avec des pays européens et quelques pays arabes afin de leur fournir des renseignements dans le cadre de la lutte anti-EI.
(ats/Newsnet)