
La campagne de désobéissance civile qui couve depuis des semaines dans l’ancienne colonie britannique s’est brutalement accélérée au cours du week-end et Hong Kong a connu les pires troubles civils depuis son passage sous tutelle chinoise en 1997.
Dans des scènes de rue chaotiques, auxquelles Hong Kong n’est guère habituée, les policiers avaient tiré dimanche jusque tard dans la nuit des salves répétées de gaz lacrymogène pour tenter de disperser les protestataires. Ces derniers s’étaient rassemblés par dizaines de milliers dans des quartiers du centre mais avaient également débordé jusque dans Kowloon, en face de l’île de Hong Kong, sur le continent.
Les manifestants, qui ont aussi essuyé des jets de gaz au poivre, étaient pour la plupart vêtus de ponchos en plastique et s’étaient enveloppé le visage avec du film alimentaire pour tenter de se protéger.
Dans un geste apparent d’apaisement, le gouvernement de Hong Kong a annoncé le retrait ce lundi 29 septembre à l’aube de la police antiémeute.
Manifestants optimistes
«Les citoyens rassemblés dans la rue s’étant calmés, la police antiémeute a été rappelée», a annoncé le gouvernement dans un communiqué. En échange les manifestants sont invités à «libérer les routes occupées dès que possible pour laisser le passage aux véhicules d’urgence et rétablir les transports publics».
Mais la foule des manifestants grossissait au fil des heures et dans l’après-midi, ils étaient plusieurs milliers à se masser dans le quartier d’Admiralty, principal point de ralliement des opposants proche du siège du gouvernement, selon les estimations de journalistes. Les militants prodémocratie ont aussi pris le contrôle d’au moins trois carrefours routiers majeurs.
«Nous sommes plus optimistes aujourd’hui, les policiers ne sont pas assez nombreux pour boucler les endroits où les manifestants sont réunis», a dit Ivan Yeung, un protestataire de 27 ans qui a campé toute la nuit dans le quartier très commerçant de Causeway Bay.
Plus de 200 lignes d’autobus ont été suspendues ou déviées, la circulation des tramways était perturbée et des stations de métro étaient fermées. De nombreuses écoles ont gardé portes closes, de même que bon nombre d’entreprises, perturbant l’activité économique de cette région autonome sous administration chinoise.
Désobéissance civile
Les étudiants, qui observent depuis une semaine une grève des cours, sont le fer de lance de la campagne de désobéissance civile lancée pour dénoncer ce que nombre de Hongkongais perçoivent comme une mainmise grandissante de Pékin sur les affaires locales. Ils avaient en particulier fait irruption vendredi dans le siège du gouvernement local avant d’en être évacués sans ménagement par la police.
Devant la mobilisation estudiantine, le mouvement prodémocratie le plus en vue, Occupy Central, s’est jeté dimanche dans la bataille et a appelé ses troupes à devancer son mot d’ordre d’occupation initialement prévu pour mercredi.
Pékin a annoncé en août que le futur chef de l’exécutif local serait bien élu au suffrage universel dès 2017 mais que seuls deux ou trois candidats sélectionnés par un comité seraient habilités à se présenter au scrutin.
Occupy Central réclame «le retrait» de la décision de la Chine et «une relance du processus de réformes politiques». Les autorités locales doivent présenter à Pékin «un nouveau rapport sur les réformes politiques qui reflète pleinement les aspirations à la démocratie du peuple de Hong Kong», a dit Occupy.
41 personnes blessées
Mais le président de l’exécutif, Leung Chun-ying, a demandé aux protestataires de rentrer chez eux afin de «ne pas perturber la vie quotidienne des Hongkongais». Il a également balayé les rumeurs circulant sur les réseaux sociaux selon lesquelles le pouvoir local avait l’intention de faire appel à l’armée chinoise, présente à Hong Kong. «Il n’y a absolument aucune preuve de cela», a-t-il dit.
Les manifestants réclament sa démission et lui ont opposé une fin de non-recevoir. «Quiconque doté d’une conscience devrait avoir honte d’être associé à un gouvernement qui fait si peu de cas de l’opinion publique», a lancé Occupy.
Selon la radio RTHK, 41 personnes blessées durant les affrontements ont été hospitalisées et 78 personnes ont été arrêtées.
A Pékin, la presse officielle a dénoncé les agissements d’«extrémistes politiques» qui veulent «profiter de l’idéalisme et de l’enthousiasme des étudiants pour promouvoir une avancée démocratique».
Selon le site américain China Digital Times, qui assure un suivi de la propagande chinoise, les autorités ont ordonné à tous les sites internet chinois d’enlever «immédiatement» toute information sur les manifestations de Hong Kong.(afp/Newsnet)