UKRAINE: Les débris du Boeing MH17 sont restés figés

 

Les morceaux de carlingue étincellent légèrement au soleil d’automne. «Si on récupérait et vendait le métal, il y aurait moyen de gagner un peu d’argent», assure avec simplicité Oleg, un soldat de la république populaire de Donetsk. «Mais, vous voyez, personne n’y a touché depuis des mois. Les gens d’ici ont beaucoup de respect pour la mémoire du drame.» A perte de vue, entre les débris du Boeing MH17 de Malaysia Airlines, des brosses à dents, des chaussures, des livres pour enfants, des peluches ou encore des fauteuils calcinés parsèment toujours ce petit bout de campagne de l’est de l’Ukraine.

Le 17 juillet, Alekseï Mortensov s’affairait avec sa femme dans son jardin situé à la sortie du village de Hrabove quand il a entendu deux explosions dans le ciel. «On a cru que c’était un bombardement. Nous nous sommes couchés à terre, mais rien n’est venu. On a regardé en l’air, et tout a dégringolé.» A dix mètres de sa propriété, ce sont le réacteur et les roues du Boeing qui se sont écrasés dans un déluge de métal et de feu. Et des corps. «Au début, il y avait beaucoup de monde qui venait voir. L’OSCE (ndlr: Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe), des missions internationales, des journalistes, des curieux, raconte Alekseï Mortensov. Ça fait des semaines que l’on n’a plus vu personne dans le coin.»

Corps manquants

Et pourtant. Au 30 septembre, c’étaient 251 des corps des 298 victimes qui avaient été identifiés. Plusieurs autres, parfois de simples morceaux de jambes ou de mains, sont en cours d’identification. Il en manquerait néanmoins un nombre indéterminé, laissé-pour-compte sur le terrain. «A ma connaissance, on n’en a plus retrouvé depuis des semaines», estime Nikolaï Kovaniy, habitant du village de Rozsypne, où est tombé le cockpit du Boeing. Lui sillonne à vélo les chemins de la zone. «Je n’ai rien vu. Il y a tellement de bêtes sauvages ici. Je ne pense pas que l’on retrouvera quoi que ce soit de plus.»

Accusations de vols

Il serait encore possible néanmoins de collecter une large quantité d’effets personnels, réclamés par les familles des victimes. En témoignent des affiches installées autour de la zone de crash, indiquant l’adresse d’une page Facebook et un numéro gratuit pour quiconque aurait découvert «des restes de corps» et des «effets personnels de victimes». «Aucun commentaire», coupe la voix d’une femme qui répond au numéro indiqué. Elle se contente de rediriger vers le Ministère des affaires étrangères des Pays-Bas, en charge de la «Mission Internationale MH17».

Les accusations de vols de cartes de crédit, de téléphones, de parfums ou de lunettes de soleil avaient fait scandale au cours de l’été. «Quelques personnes ont été jugées coupables de vols en juillet, raconte un commandant militaire rebelle, en charge du district de Torez. La peine consiste en 15 jours de travaux d’intérêt public. Mais il y a eu peu de cas. En tout cas, pour organiser de vraies recherches, il nous faut des moyens techniques, du temps et l’assurance de pouvoir travailler en toute sécurité.»

Un drame parmi d’autres

Le site du crash n’a jamais été touché par les combats. Mais au loin s’élèvent quotidiennement les colonnes de fumée des bombardements qui frappent la ville stratégique de Debaltseve, et ce malgré un cessez-le-feu entré en vigueur depuis le 5 septembre. «Survivre à la guerre, c’est malheureusement notre priorité», déplore Nikolaï Kovaniy à Rozsypne, qui affirme que les villageois n’ont aucune légitimité à organiser eux-mêmes l’enlèvement et la protection des débris. «C’est une tragédie. Une parmi tant d’autres…»(24 heures)