Terrorisme: les règles de Schengen pourraient changer

 

La France et l’Allemagne ont plaidé jeudi à Luxembourg pour une adaptation des règles de l’espace Schengen afin de répondre à l’urgence posée par l’augmentation des départs d’Européens voulant rejoindre les mouvements djihadistes en Syrie et en Irak.

Le coordinateur de l’UE pour la lutte contre le terrorisme, Gilles de Kerchove, a insisté sur l’urgence à agir. «Nous avons connaissance de beaucoup de retours de Syrie et d’Irak prochainement, et il faut être prêts à les détecter», a-t-il dit à l’issue d’une réunion des ministres de l’Intérieur.

L’ampleur du risque impose «d’ajuster le curseur entre libertés et sécurité», a souligné un responsable européen.

Proposition bloquée au Parlement européen

Le code des frontières de «Schengen, s’il est capable de s’adapter, est la solution aux problèmes auxquels nous sommes confrontés à travers l’augmentation du nombre de combattants étrangers, et non le problème», a soutenu le ministre français Bernard Cazeneuve.

«Nous souhaitons également un PNR (Passenger name record: Données des dossiers passagers) européen, un système d’enregistrement des passagers qui doit permettre d’avoir des contrôles plus efficaces des passagers dans les aéroports», a-t-il ajouté.

Une proposition en ce sens est bloquée depuis des mois au Parlement européen, très susceptible lorsqu’il sent des menaces sur les libertés civiles et la protection des données personnelles des citoyens européens.

Un travail de pédagogie

«Il y a un travail de pédagogie a faire», a estimé M. Cazeneuve, qui a annoncé son intention de venir plaider cette cause au Parlement européen avant la fin de l’année. «Il y a urgence» pour les deux demandes, a-t-il insisté.

Son homologue allemand, Thomas de Maiziere, lui a fait écho. «3000 combattants ont quitté l’Europe pour le Djihad et nous ne voulons pas que l’Europe devienne un exportateur du terrorisme», a-t-il dit. «Nous ne voulons surtout pas que des combattants formés reviennent en Europe pour planifier des attentats. (…) Nous avons besoin des mesures au niveau national et à l’échelle européenne», a-t-il ajouté.

Un signalement supplémentaire

«Nous devons faire en sorte que dans le Système d’Information de Schengen (SIS), chaque policier aux frontières extérieures de l’UE puisse savoir si la personne qui part va rejoindre les djihadistes. Pour cela, nous avons besoin d’apporter des changements» au SIS, a poursuivi le ministre allemand.

«La France demande que le signalement ‘combattant étranger’ soit introduit dans le SIS afin de faciliter la coopération entre les services de police», a pour sa part expliqué Bernard Cazeneuve. Le SIS a déjà plusieurs signalements: «délinquant, criminel, recherché».

Agir vite pour lutter contre le terrorisme

Le problème est que le code des frontières de Schengen interdit les contrôles systématiques. L’idée d’un amendement pour le modifier est jugée trop contraignante, car un accord entre les institutions prendrait plus d’une année.

«Nous ne pouvons pas nous engager dans un processus de modification long», a soutenu M. Cazeneuve. «Cette solution ne répond pas à l’urgence de la lutte contre le terrorisme. (…) Il faut que l’interprétation des textes soit suffisamment intelligente pour permettre d’être efficace», a-t-il soutenu.

Mettre en œuvre des dispositifs qui marchent

Selon M. de Kerchove, «la définition d’indicateurs communs comme le mode opératoire, les routes empruntées et le profil des djihadistes peuvent permettre de mener des contrôles sur certains vols sans qu’il s’agisse de contrôles systématiques».

«L’adaptation du code Schengen sera une excellente occasion de montrer à toutes les démagogies et à tous les populismes qui prospèrent aujourd’hui que l’Europe est capable, face à des urgences, de mettre en œuvre des dispositifs qui marchent», a-t-il conclu.

L’espace Schengen comprend les territoires de 26 pays européens (22 pays de l’UE plus la Norvège, la Suisse, le Liechtenstein et l’Islande), qui ont supprimé les contrôles à leurs frontières intérieures.(afp/Newsnet)