BRÉSIL: La «dame de fer» Dilma Rousseff attaque son second mandat

 

«La vie exige de nous du courage», avait lancé Dilma Rousseff lors de son investiture, le 1er janvier 2011.

Bousculée tout au long d’une campagne électorale à rebondissements, la première femme présidente du plus grand pays d’Amérique latine, aux convictions de gauche solides comme le roc, a su venir à bout de ses rivaux, en les prenant à la gorge, quitte à frapper en dessous de la ceinture.

La candidate du parti des travailleurs (PT) a d’abord mis en pièces au premier tour l’atypique écologiste Marina Silva, qui l’avait sérieusement menacée avec son irruption surprise dans la campagne après la mort accidentelle du candidat socialiste Eduardo Campos.

Puis elle a fait pleuvoir les coups sur le social-démocrate Aecio Neves, le caricaturant en incarnation du «recul social» et en play-boy bourgeois qui s’adonnerait au «népotisme» le jour et à l’alcool – sinon à la drogue – la nuit.

Connaissance des dossiers

Le style austère de Dilma Rousseff tranche avec le caractère jovial de son mentor, l’ex-président Luiz Inácio Lula da Silva (2003-2010), l’ouvrier métallurgiste et un tribun hors pair.

La présidente compense ses médiocres talents d’oratrice par une connaissance parfaite de ses dossiers. Elle rabroue ses ministres en public, pique des colères homériques en privé.

Dilma Rousseff ne laisse transparaître que rarement son côté intime. Superstitieuse, avide lectrice ne s’endormant qu’après avoir tourné quelques pages, fan de la série «Game of Thrones», amatrice de virées nocturnes à moto, incognito dans Brasilia.

«On dit toujours des femmes au pouvoir qu’elles sont dures, mais Dilma Rousseff a un grand sens de l’humour. Elle est drôle, extrêmement solidaire et généreuse», confie à l’AFP son amie Ieda Akselrud de Seixas, 67 ans, qui l’a connue dans les geôles de la dictature.

Torturée et trois ans en prison

La présidente aborde rarement cette époque douloureuse. «Dans ma vie, j’ai affronté des situations des plus difficiles, des agressions physiques à la limite du supportable. Rien ne m’a détournée de mon cap, de mes engagements (…)», dira-t-elle après avoir été conspuée avant le match d’ouverture du Mondial de football 2014, le 12 juin à São Paulo.

Pendant la dictature, elle a milité dans des organisations armées clandestines de gauche, sous les faux noms d’«Estela», «Vanda» et «Luiza». Incarcérée à 22 ans, elle a été torturée et a passé trois ans en prison.

Dilma Vana Rousseff est née le 14 décembre 1947 à Belo Horizonte (sud-est) dans une famille de la classe moyenne. Son père, Pedro Rousseff, un immigrant bulgare, avocat et sympathisant communiste, et sa mère professeur, Dilma Jane da Silva, l’ont initiée très tôt à la lecture: Balzac, Zola, Dostoïevski.

Diplômée en économie, Dilma Rousseff a une fille, Paula, et un petit fils de quatre ans. Elle est divorcée du père de sa fille, Carlos de Araujo, également emprisonné sous la dictature, avec qui elle avait participé, en 1979, à la fondation du parti travailliste brésilien (PDT, de Leonel Brizola). Elle rejoindra le PT de Lula en 2000.

«Quelque chose de différent en elle»

Durant des années, elle occupera des postes au gouvernement de l’Etat de Rio Grande do Sul (sud), à Porto Alegre. Lula a décrit leur rencontre: «Une camarade est apparue avec son petit ordinateur. On a commencé à discuter et je me suis rendu compte qu’il y avait quelque chose de différent en elle. Alors, j’ai pensé: ‘Je crois avoir trouvé ma ministre de l’Energie’».

Un poste clé qu’elle occupera pendant deux ans. Car en 2005, éclate le «Mensalao», un scandale d’achats de votes de députés alliés qui décapite le PT et l’entourage de Lula. Dilma Rousseff devient alors, jusqu’en 2010, la chef de cabinet du président avec rang de ministre. Sa dauphine.

Pendant son premier mandat, Mme Rousseff a poursuivi avec succès le combat de Lula contre les profondes inégalités sociales du Brésil.

Echec de ses interventions

Mais dans un contexte international changeant, la croissance économique s’est essoufflée dès 2011, l’inflation est sortie des clous. Les recettes interventionnistes de Mme Rousseff ont échoué.

La présidente s’est aliéné les milieux d’affaires et une partie de la petite classe moyenne. Mais comme le chômage est au plus bas (5%) et que les salaires continuent d’augmenter, la majorité a penché pour «Dilma».

La présidente a quatre ans pour redresser l’économie, mieux répondre aux attentes nouvelles de la classe moyenne, face à un Parlement morcelé et plus conservateur qu’en 2010 et à des milieux économiques qui l’ont prise en grippe.

Et, pourquoi pas, pour renvoyer l’ascenseur en préparant le retour de Lula, déjà sur toutes les lèvres des militants du PT.

(ats/Newsnet)