
Comme Barack Obama en 2008, Anthony Brown est présenté aujourd’hui par les démocrates comme l’un des héritiers de Martin Luther King aux Etats-Unis. En cas de victoire mardi prochain lors du scrutin des Midterms, au cours duquel 36 Etats américains vont élire leur gouverneur, l’ancien colonel de 52 ans pourrait devenir le premier Afro-Américain à diriger le Maryland, un Etat aux portes de Washington. Le politicien, qui fera campagne demain avec Hillary Clinton, a une autre particularité: il pourrait devenir le premier gouverneur à moitié Suisse de l’histoire récente des Etats-Unis. Jusque-là, seul Emanuel Philipp, un fils d’immigrés helvétiques, a occupé ce poste, dans le Wisconsin entre 1915 et 1921.
«Je suis née à Bürglen, comme Guillaume Tell», glisse en riant Lilly Brown, la mère d’Anthony Brown. Cinquante-six ans de vie aux Etats-Unis n’y ont d’ailleurs rien changé. L’octogénaire a toujours le délicieux accent suisse allemand qui la rattache solidement au canton d’Uri, d’où elle est originaire. Elle s’appelait Lilly Berlinger avant de rencontrer à Zurich et d’épouser, il y a 61 ans, Roy Hershel Brown, un étudiant en médecine d’origine jamaïcaine qui avait fait ses études à Fribourg. Le couple a eu une fille en Suisse, Géraldine, avant de repartir vers les Etats-Unis, où Roy avait commencé ses études. Lilly et son mari y ont eu quatre autres enfants: Laurence, Anthony et Andrew, et Christopher.
Lien solide avec la Suisse
Même si, contrairement à son frère jumeau Andrew, Anthony Brown n’a pas le passeport helvétique, son lien avec la Suisse est solide. Andrew a vécu à Genève. Laurence, l’un des autres frères du politicien, habite actuellement à Zurich et y élève ses trois filles. «A part Laurence, mes enfants ne parlent pas le suisse allemand», dit Lilly Brown. «Quand nous avons déménagé à Brooklyn il y a cinquante-six ans, Géraldine ne voulait pas que je lui parle en suisse allemand car les autres enfants se moquaient d’elle. Nous sommes donc passés à l’anglais. Mais je suis contente, car tous mes enfants sont tous devenus des gens bien.»
Anthony Brown vient de passer huit ans comme adjoint au gouverneur du Maryland après avoir servi pendant dix mois en Irak en 2004. «Quand il est rentré d’Irak, une grande fête a été organisée pour lui, raconte Lilly Brown. A cette époque, Martin O’Malley faisait campagne pour devenir gouverneur du Maryland. Il était venu à cette fête et avait demandé à Anthony s’il souhaitait devenir son adjoint. Anthony avait accepté à condition qu’il ait aussi son mot à dire. Martin O’Malley avait accepté et a tenu parole.»
Soutien présidentiel
Métis comme Barack Obama, Anthony Brown est l’un des rares politiciens américains à s’être affiché avec lui pendant cette campagne électorale (lire ci-contre). Le président, dont la popularité a plongé ces derniers mois, est venu soutenir Anthony Brown le 19 octobre dans le Maryland pour tenter de mobiliser les électeurs afro-américains de l’Etat. «En tant qu’Américain de première génération, Anthony a eu la bénédiction d’avoir des parents qui lui ont enseigné dès son plus jeune âge les valeurs de l’engagement en faveur des autres, a affirmé Obama. Anthony Brown n’a pas seulement dévoué sa carrière à se battre pour vous. Il y a voué sa vie.» Dans une interview qu’il nous a accordée, Anthony Brown dit avoir hérité de son père la volonté de s’engager pour les autres: «Mon père était médecin et soignait les gens issus des communautés les plus pauvres qui n’avaient souvent pas les moyens de le payer. J’ai grandi avec ces valeurs.»
Anthony Brown, qui est lui-même père de trois enfants adolescents, fait la course en tête dans le Maryland mais reste engagé dans un duel serré avec son adversaire républicain, Larry Hogan. Dans le contexte d’élections de Midterms compliquées pour des démocrates plombés par l’impopularité de Barack Obama, Anthony Brown a vu son avance fondre ces derniers mois dans un Etat du Maryland où les électeurs démocrates sont pourtant deux fois plus nombreux que les électeurs républicains.
Il a néanmoins reçu le soutien du Baltimore Sun et du Washington Post, les principaux quotidiens de l’Etat. «Nous avons travaillé dur pour ça», explique Anthony Brown. «Mais ils ont reconnu ce que j’ai accompli et aussi la vision que j’ai pour le Maryland.» Lilly Brown raconte que son fils a toujours été ambitieux et qu’il a beaucoup appris de son père, décédé en début d’année. «Je ne suis pas nerveuse, dit-elle. Si Anthony est élu, il deviendra un gouverneur fantastique. Il a beaucoup de compassion.»
(24 heures)