MEURTRES À HONG KONG: Le trader avait ses habitudes dans les bordels philippins

Les femmes aux tenues légères qui travaillent dans les bars à néons du quartier chaud d’Angeles City se souviennent avec émotion de Rurik Jutting, évoquant sa bienveillance et ses libéralités.

Au Del Rio, le trader de 29 ans sifflait des bouteilles de bière locale pauvre en calories et distribuait des billets à la ronde en regardant du coin de l’oeil les go-go danseuses. L’une d’elle deviendra sa petite amie.

«C’est un grand dépensier», témoigne Joy Reyes, une hôtesse de 26 ans. Jutting était accueilli par les vivats des danseuses quand il venait au Del Rio, où il s’installait invariablement dans un canapé en simili-cuir recouvert d’un tissu rose. «Tout le monde se réjouissait de le voir. Le fait qu’il soit beau garçon ne gâche rien», sourit Joy Reyes.

350 euros par soirée

Linda Laida, une serveuse de 43 ans, se rappelle de Jutting sortant discrètement une liasse de la poche droite de son pantalon pour compter les billets d’un geste assuré du pouce. «On voit que c’est un banquier. Il sait compter son argent rapidement. Il sait exactement combien il donne».

Jutting pouvait brûler jusqu’à 20000 pesos (350 euros) par soir, l’équivalent de ce que gagne en un an un quart de la population philippine vivant sous le seuil de pauvreté. Jutting est devenu un régulier du bar en janvier dernier. Très vite, il est sorti avec une hôtesse qui apparaît à ses côtés sur son compte Facebook, selon ses collègues.

Le couple se serait séparé au mois d’août après que Jutting eut été vu avec une autre femme à son bras. Il ne s’est plus montré au Del Rio.

Son ex-petite amie a changé de bar, elle aussi. Elle n’a pas souhaité répondre aux demandes d’interview et ne s’est pas présentée sur son lieu de travail depuis plusieurs jours.

Trader à Hong Kong pour la Bank of America Merrill Lynch, Rurik Jutting a été placé en détention après la découverte des corps de deux Indonésiennes dans son appartement luxueux de l’ancienne colonie britannique.

Une des victimes, nue, portait des coups de couteau au cou et sur les fesses, selon la police. L’autre, décédée depuis plusieurs jours, avait été placée dans une valise entreposée sur son balcon.

«Ce n’est pas un obsédé sexuel…»

Ce double meurtre contraste avec le portrait dressé par les filles d’Angeles City qui décrivent un être bonhomme, attentionné, que l’alcool ne rendait pas agressif.

Jocelyn delos Santos, une danseuse de 22 ans, le défend ainsi: «Ce n’est pas un obsédé sexuel, et il est toujours soigneusement habillé. Il n’est pas comme les autres hommes qui ne pensent qu’au sexe».

Angeles City a été pendant des décennies une importante base de l’US Air Force dont le personnel dépensait sa solde dans les bauges à chaque permission.

La base a fermé en 1991 mais les bars et les hôtels de passe ont continué à attirer des femmes des milieux les plus pauvres des Philippines.

Un appartement très luxueux

Len Alumarde vendait des ordinateurs quand le super typhon Haiyan a dévasté sa ville dans la province orientale de Samar le 8 novembre 2013. Sans ressources, elle a trouvé refuge deux mois plus tard à Angeles City et travaille depuis au Del Rio.

Une «bouchonneuse», rémunérée au nombre de boissons consommées, peut gagner jusqu’à 3000 pesos (50 euros) par soir.

«Je veux trouver un étranger qui puisse aider ma famille», explique sans détour la jeune femme de 24 ans.

Des gérants de bars expliquent que les filles sont libres de partir avec un client. Une nuit coûte 1000 pesos, moins de 18 euros. Pour son appartement hongkongais, Rurik Jutting acquittait un loyer mensuel de plusieurs milliers d’euros.

(afp/Newsnet)