COUPE DU MONDE: 2022 Le Qatar n’a rien fait pour améliorer le sort des travailleurs migrants

Qu’a fait le Qatar, organisateur de la Coupe du monde de football de 2022, pour améliorer le sort des dizaines de milliers de travailleurs migrants, asiatiques pour la plupart, employés sur les chantiers du pays? Rien ou quasi rien, selon un rapport publié aujourd’hui par Amnesty International, malgré une pluie de critiques adressées aux autorités qatariennes au sujet des conditions esclavagistes auxquelles sont soumis ces travailleurs. Des milliers d’entre eux en ont déjà payé de leur vie.

En avril, l’ONU avait émis 51 recommandations portant sur des changements législatifs en matière de droit des travailleurs et sur des améliorations concrètes à apporter à leur labeur quotidien. L’ONU préconisait notamment l’abolition de la kefala, un système qui met littéralement les travailleurs migrants sous tutelle de leur employeur qatarien, les empêchant de changer d’emploi, ainsi que celle du «permis de sortie», document obligatoire pour pouvoir quitter le territoire. Les passeports sont d’ailleurs très souvent confisqués. Ces spécificités contreviennent aux normes en matière de droit international du travail. Elles placent les migrants sous une totale dépendance de leur employeur et encouragent le travail forcé.

En mai, le Qatar avait promis qu’il allait remplacer le système de tutelle et le permis de sortie par un paquet de réformes. A l’arrivée, on se retrouve face à un simulacre d’améliorations prévues, selon Amnesty International. Le permis de sortie va être remplacé par une procédure où le migrant qui désire quitter le territoire pour aller visiter sa famille, par exemple, doit en faire la demande. L’accord de sortie sera octroyé au bout d’un délai de 72 heures, pendant lequel l’employeur peut toujours faire appel contre le départ à l’étranger de «son» employé. Idem pour un changement de job: le migrant ne pourra toujours pas changer librement d’employeur. Seule concession mineure, relève l’ONG: le patron ne pourra pas imposer sa loi au-delà d’un contrat limité à cinq ans.

Par ailleurs, les petites mains des chantiers, soumises à des conditions très dangereuses de travail, n’ont toujours ni accès au système de santé ni la garantie d’être payées, car aucun système de contrôle n’a été mis en place. Ces travailleurs n’ont pas le droit de s’associer pour défendre leurs droits. Seule une procédure de plainte en plusieurs langues a été mise en place. Quant aux travailleuses domestiques, elles attendent toujours une loi promise pour criminaliser les abus, physiques et sexuels, dont elles sont régulièrement victimes.

Un espoir de maigre amélioration réside dans la mise en place, avec les pays fournisseurs de main d’oeuvre, d’un système de contrôle destiné à lutter contre le marché des intermédiaires qui se font de l’argent sur le dos des travailleurs migrants, contraints de payer une sorte de «droit d’entrée» pour accéder au marché du travail qatarien. Selon Amnesty, le Ministère du travail a imaginé en guise de mesure coercitive que toute entreprise qui aura violé trois fois les standards de recrutement serait dénoncée publiquement dans les médias nationaux…

Et l’enquête de la FIFA?

Ce rapport est publié alors que la FIFA est toujours sous pression pour avoir attribué au Qatar l’organisation de la Coupe du monde de 2022. De plus en plus de voix s’élèvent pour que les instances mondiales du football publient l’enquête indépendante menée par l’ex-procureur de New York Michael J. Garcia sur le «Qatargate», à savoir les modalités d’attribution de l’événement, dont on soupçonne qu’elles ont été entachées de cas de corruption. La FIFA se refuse à le faire, et n’a toujours pas pipé mot sur le fond de l’affaire.

(TDG)