La Russie met la pression pour obtenir son Mistral

«Nous attendrons jusqu’à la fin du mois (la livraison du Vladivostok, premier des deux Mistral commandés à la France, ndlr) et ensuite nous présenterons de sérieuses demandes d’indemnisations.» Attribués vendredi par l’agence de presse russe Ria Novosti à une source anonyme «haut placée», ces propos pourraient bien préfigurer ceux que Vladimir Poutine tiendra samedi à François Hollande en marge du G20 qui s’ouvre à Brisbane, en Australie.

Comme il fallait s’y attendre, l’épineuse question de la vente des deux bâtiments de projection et de commandement (BPC) à la Russie pour un montant de 1,2 milliard d’euros a refait surface vendredi. Avec un sens tactique consommé, et dans un climat digne des plus sombres années de la guerre froide, Moscou a remis l’affaire sur le tapis, à la veille d’un sommet des vingt pays les plus industrialisés du monde, au cours duquel la crise ukrainienne sera au centre des débats.

Or, c’est précisément parce que François Hollande a décidé de lier la livraison de ces deux colosses d’acier au règlement de cette même crise ukrainienne que Moscou s’ingénie à réclamer son dû. Car Vladimir Poutine sait pertinemment qu’en mettant la pression sur la France, il place cette dernière face à un dilemme cornélien.

C’est que, si la France décide de livrer ces BPC – monstres d’acier et de technologie pouvant emporter 16 hélicoptères, quatre chalands de débarquement, 13 chars, un hôpital et 450 soldats – elle doit s’attendre à une véritable bronca de ses alliés de l’OTAN, pays Baltes et Pologne en tête, affolés à l’idée de voir la flotte russe renforcée par ces fleurons des chantiers navals de Saint-Nazaire.

A l’inverse, si Paris renonce à livrer le fruit d’un contrat signé en 2011 sous la présidence de Nicolas Sarkozy, il risque de passer pour un pays peu fiable qui n’honore pas ses engagements. Une telle décision coûterait non seulement cher en pénalités, mais serait également un mauvais signe pour un pays à l’économie en panne et où le chômage bat tous les records.

«Quand on vend des armes, c’est toujours dans le cadre d’une politique étrangère», rappelle Jean-Pierre Maulny, spécialiste de la question à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), à Paris. «Dans ce sens, la France doit tout faire pour que cette question des Mistral soit une question politique et non commerciale.» En passant, Jean-Pierre Maulny rappelle que la France n’est pas la seule à vendre des armes à la Russie et que ces Mistral ont été préférés à des modèles proches de fabrication hollandaise ou espagnole.

«Sur la question des Mistral, je n’ai évidemment pas la solution, dit encore le directeur-adjoint de l’IRIS, mais je pense que la France va tout faire pour gagner du temps et pousser à une solution politique de la crise ukrainienne. Faute de quoi elle finira par livrer ses bateaux à coup de pénalités financières.»

(24 heures)