
«C’est aussi fantastique qu’inattendu. Cette élection est comme une nouvelle révolution pour la Roumanie, vingt-cinq ans après la chute de Ceausescu.» Au lendemain de l’élection-surprise de Klaus Iohannis (55 ans) à la présidence de la République, Gérard Delaloye partageait l’enthousiasme des quelque 56% de Roumains qui ont voté pour le changement en élisant cette personnalité atypique, représentant de la minorité allemande de Roumanie, forte d’à peine 36 000 personnes.
Etabli depuis six ans avec son épouse roumaine près de Sibiu, l’historien et journaliste valaisan connaît bien la ville dont le nouveau président a été le maire depuis l’an 2000. «Il y a démontré sa capacité à organiser les choses et en a fait la plus belle cité du pays, une sorte de Lausanne de Roumanie», explique Gérard Delaloye.
Ras-le-bol
Sur le fond, l’observateur suisse relève que le vote des Roumains est avant tout l’expression du ras-le-bol d’un système néocommuniste totalement corrompu dans un des pays les plus pauvres de l’Union européenne. «Le Parti social-démocrate du premier ministre et candidat malheureux Victor Ponta est encore truffé d’anciens proches de Ceausescu, rappelle Delaloye. C’est aussi contre ces gens que les Roumains ont voté en masse.»
Avec une participation de 64%, ce deuxième tour de la présidentielle a enregistré un taux record. «Ce qui est passionnant, analyse encore Delaloye, c’est de voir comment les 3 millions de Roumains expatriés – dont beaucoup de jeunes – ont tout fait pour participer à un scrutin que le pouvoir a volontairement mal organisé dans les ambassades et consulats. De plus, on peut dire que Iohannis a gagné à partir de 15 h dimanche, grâce aux encouragements des expatriés qui ont invité leurs parents à aller voter à travers Skype et les réseaux sociaux.»
A part le ras-le-bol d’un système, le protestant Klaus Iohannis doit évidemment son élection à ses origines germaniques et au sérieux qu’elles inspirent, mais aussi à son caractère, souligne Delaloye. «Quand son adversaire Ponta s’agite et gesticule, il reste calme et s’exprime lentement, évitant toute polémique. Par ailleurs, alors que Ponta parle beaucoup mais ne fait rien, il a su faire de sa gestion de Sibiu (capitale européenne de la culture en 2007) un modèle de «travail bien fait», expression qu’il utilisera comme slogan de campagne.»
Un homme seul
Reste que les choses ne seront pas faciles pour le nouvel élu, qui entrera en fonction le 22 décembre, trois jours avant le 25e anniversaire de la mort de Ceausescu. En effet, les attentes de ses compatriotes sont énormes alors que le premier ministre Ponta exclut de démissionner, comptant bien s’appuyer sur sa majorité au Parlement pour bloquer les initiatives du président, notamment dans sa lutte contre la corruption.
Mais là aussi, le vent pourrait tourner après les manifestations qui ont marqué l’entre-deux tours, au cours desquelles des milliers de Roumains ont exprimé leur exaspération à l’égard d’une classe politique «corrompue» et encouragé le Parquet anticorruption à continuer son travail contre ce fléau. Un Parquet dont Iohannis soutient à fond l’action. «Iohannis est un homme seul dans le paysage politique actuel, explique encore Delaloye, mais je pense qu’il va rapidement s’appuyer sur une nouvelle formation politique libérale et appeler à des élections anticipées.»
(24 heures)