NUCLÉAIRE IRANIEN: «Rohani et Obama ont tous deux besoin de cet accord»

C’est l’heure de vérité. Après dix ans d’échecs, Téhéran et les grandes capitales doivent aboutir d’ici lundi à un accord historique sur le programme nucléaire iranien. Faute de quoi, la majorité républicaine élue il y a quinze jours au Congrès des Etats-Unis promet d’adopter de nouvelles sanctions dès janvier. Un an après l’accord intérimaire signé à Genève le 24 novembre, les diplomates iraniens retrouvent aujourd’hui à Vienne ceux du groupe «5+1», c’est-à-dire les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU et l’Allemagne. Empêcheront-ils l’Iran d’avoir la bombe? Lèveront-ils les sanctions? Peut-on faire confiance à Téhéran? Analyse de Mohammad-Reza Djalili, professeur retraité de l’IHEID de Genève.

Barack Obama a bien besoin d’une victoire diplomatique, lui qui n’a plus de majorité au Congrès. Mais le président Rohani veut-il un accord?

Hassan Rohani avait basé toute sa campagne électorale sur la relance de l’économie iranienne, pénalisée par les sanctions internationales. Pour le président, un accord sur le nucléaire entraînant la levée des sanctions permettrait de lutter contre le chômage, de redresser la barre, d’asseoir sa popularité, donc renforcer son autorité face au courant conservateur du régime. Alors peut-être pourra-t-il essayer d’honorer son autre promesse de campagne: davantage de liberté sociale, moins de répression.

Justement, la répression n’est-elle pas pire que du temps de Mahmoud Ahmadinejad?

Cela montre à quel point Hassan Rohani est contré par les conservateurs, qui ne manquent pas une occasion de lui mettre les bâtons dans les roues. Avec le silence complice du guide suprême…

De quelle marge de manœuvre dispose Rohani pour un accord?

Il n’y a que dans ce domaine, en fait, que le guide suprême lui laisse une marge de manœuvre. Ali Khamenei a le cœur côté conservateur, mais la tête côté pragmatique. Il voit bien que l’économie iranienne, déjà désastreuse, se dégrade encore. Il sait qu’il ne peut pas compter sur les revenus du pétrole, comme à l’époque de Mahmoud Ahmadinejad, car actuellement le prix du brut est très bas. C’est une menace pour le régime. Le numéro un iranien a donc donné le feu vert aux tractations… tout en se protégeant en cas d’échec: il dit avoir toute confiance dans ses négociateurs mais se méfier du Grand Satan. Bref, il souffle le chaud et le froid.

Un échec serait-il vraiment grave pour le régime iranien?

Pour Rohani, certainement. Pour le guide suprême, peut-être à terme. Cela dit, depuis dix ans Téhéran fait mine de négocier mais gagne surtout du temps pour avancer le programme nucléaire (l’Iran a 20 000 centrifugeuses, contre 160 en 2003, ndlr). Lundi, nous verrons si cette «dernière semaine» de discussions débouche sur un accord, sur un échec ou sur… un nouveau report. Voire, sur un accord de principe et le report des négociations techniques. Les Iraniens sont vraiment passés maîtres dans l’art de temporiser.

(TDG)