
Mettez-vous à notre place et ne nous reprochez pas ce que vous vous autorisez. En substance, telle est le message adressé dimanche soir sur la chaîne allemande ARD Das Erste par Vladimir Poutine, au sujet des tensions qui sont encore montées d’un cran hier entre Moscou et l’Occident dans la crise ukrainienne. Dans une interview d’une heure, le président russe n’a pas dévié dans son discours de la ligne qui a conduit son action depuis un an. Au-delà des dénis sur la présence de troupes russes, il a aussi dénoncé «le deux poids, deux mesures» pratiqué par l’Europe, l’OTAN et les Etats-Unis. Et justifié le «coup pour coup», qui s’est manifesté hier encore par le renvoi de diplomates polonais ou allemand après ceux de représentants russes expulsés discrètement par Varsovie ou Berlin.
Premier acte et première trahison aux yeux de Moscou: la chute du président Ianoukovitch en février 2014. «Les Européens n’auraient pas dû apposer leurs signatures, comme garants des accords conclus entre les autorités (ndlr: Ianoukovitch avant sa chute) et l’opposition, pour ne pas insister ensuite pour l’exécution de l’accord».
Deuxième acte: le rattachement de la Crimée qui a suscité les sanctions économiques de Washington et Bruxelles. Là aussi, le président russe renvoie les Occidentaux à leurs contradictions. «Nous trouvons cette réaction inadéquate», juge le président russe qui estime que le droit international n’a pas été violé, citant avec malice le précédent du Kosovo, dont l’autodétermination a été justifiée par l’Occident.
Troisième acte: la rébellion dans les Oblasts de l’ouest ukrainien. «Ceux qui mènent une lutte qu’ils jugent juste, trouveront toujours des armes», répond avec une dose de mauvaise foi, le chef du Kremlin, face aux accusations qui lui sont adressées sur l’armement des «prorusses». Et il va plus loin: selon lui, les accords de cessez-le-feu de Minsk n’ont été possibles que grâce à Moscou. Il justifie leur non-respect par le risque de «purge ethnique» que la Russie «ne permettra pas», ajoutant qu’il redoute que «l’Ukraine ne plonge dans le néonazisme». Là aussi, il renvoie l’OTAN à «son parti pris»: «Qu’a dit l’Alliance atlantique sur les troupes et les missiles envoyés par le pouvoir central ukrainien?» demande Vladimir Poutine.
Hier, Moscou notait encore que l’OTAN «préfère ostensiblement ne pas remarquer les efforts conséquents de la Russie pour stabiliser la situation». Tandis que la décision de Kiev de fermer les services publics dans les zones prorusses, de ne plus payer les retraites et d’autres aides sociales était qualifiée de «crime de guerre» par les leaders de la «République de Donetsk». Le quotidien français L’Humanité, l’ex-organe du Parti communiste français, qualifiait même ces décisions de «reconnaissance de facto de la partition du pays».
Dernier acte: l’accord économique entre Kiev et l’Union européenne. Poutine jure de sa bonne foi: «Nous avons dit dès le début: écoutez nous sommes pour, mais faisons-le graduellement, vu les problèmes réels qui risquent de surgir entre nous et l’Ukraine. Qu’est-ce qu’on nous a répondu? Cela ne vous regarde pas». L’accueil glacial du chef de l’Etat russe à Brisbane au G20 jugé «extrêmement vexant» n’arrangera rien aux capacités de dialogue de l’Ouest avec la Russie.
(TDG)