
L’alerte remonte à un peu plus d’un mois: six médicaments antipaludiques falsifiés circulant en Afrique centrale et de l’Ouest étaient identifiés par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Les boîtes de mille comprimés comportaient toutes une étiquette avec un logo OMS, aujourd’hui abandonné, et la mention Essential drugs program (programme de médicaments indispensables).
Pilules contre les troubles de l’érection dans les pays riches, anabolisants en Europe de l’Est, médicaments contre la malaria, le cancer ou le sida en Afrique: des millions de cachets, tablettes et gélules inefficaces ou dangereux inondent le marché parallèle pharmaceutique. Sur Internet ou dans la rue, parfois dissimulé au sein d’entreprises agréées, le crime pharmaceutique fait des morts chaque année. L’OMS, qui siège à Genève, estime ainsi que 200 000 décès causés par la malaria pourraient être évités si les traitements administrés étaient des médicaments certifiés.
98 faux saisis en Suisse
L’organisation de coopération policière Interpol dont le siège se trouve à Lyon discute depuis hier, à Dublin, en Irlande, de la lutte qu’elle mène depuis dix ans contre ce trafic juteux. Interpol coordonne et forme l’action des douanes, de la police, des autorités de contrôle des médicaments ou des administrations. Elle a aussi associé l’an dernier vingt-neuf sociétés du secteur pharmaceutique, dont les Suisses Novartis, Roche et Actelion, sur une durée de trois ans.
Contenant trop, peu ou pas de substances actives, les remèdes contrefaits sont devenus depuis dix ans la source juteuse d’une activité criminelle grandissante dans lesquelles les organisations du crime (mafias, triades et yakuzas) se sont taillé la part du lion. En Asie du Sud-Est, en Afrique ou en Amérique latine, ces faux produits constitueraient un tiers du marché. Dans les pays riches, ils ne pèseraient guère plus de 1%. En 2011, un total de deux mille affaires ont été répertoriées, selon le Pharmaceutical Security Institute. L’an dernier, 98 médicaments contrefaits étaient saisis sur le territoire Suisse.
Trois jours de salaire
Dans son rapport 2014, Interpol note que le générique le moins cher pour soigner un ulcère coûte trois jours de salaire à un fonctionnaire dans la plupart des pays d’Afrique, du Moyen-Orient ou d’Europe de l’Est. Mais si le manque d’argent des malades de pays défavorisés peut favoriser le trafic, Interpharma, l’association de l’industrie pharmaceutique suisse, souligne que le secteur fournit des médicaments génériques ou gratuits aux pays du Sud et que l’aspect lucratif du trafic explique son expansion. L’an dernier, Interpol menait sa cinquième opération coup-de-poing baptisée «Pangea» dans une centaine de pays du monde. Elle a abouti à l’arrestation de 80 personnes et à la saisie de 3,75 millions de médicaments pour une valeur de 10 millions de francs. D’autres coups de filet menés en Asie (Storm) ou en Afrique (Mamba et Cobra) ont permis de démanteler des réseaux et de saisir des millions de comprimés.
(TDG)