«Le Maroc est ouvert à la marche de l’humanité»

Son profil atypique suscite la curiosité. Mohammed Auajjar, le nouvel ambassadeur du Maroc auprès de l’ONU a été journaliste et aussi ministre. Connu pour être un défenseur des droits de l’homme, il sera la voix du Maroc dans les enceintes onusiennes et aura à gérer des dossiers sensibles.

Un forum des droits de l’homme va se tenir au Maroc. Certaines ONG le boycottent. Pourquoi?

Ce forum mondial va attirer plus de 5000 personnes, des responsables gouvernementaux, des ONG, des chercheurs et des universitaires. Ils pourront constater combien le Maroc a avancé sur ces questions. Ce sera aussi l’occasion d’échanger des idées en ce moment difficile et trouble que traverse la région arabo-islamique. La grande majorité des ONG marocaines vont participer à cet événement. Quatre ou cinq associations qui expriment un point de vue différent ont manifesté devant le parlement marocain dernièrement. Le Maroc n’a pas organisé ce forum pour en faire une vitrine. Nous sommes un pays pluraliste et démocratique, elles peuvent exprimer leur désaccord en toute liberté.

Amnesty International a pourtant rendu un rapport très critique…

Le Maroc est définitivement sorti de la période ou les violations des droits de l’homme étaient une large pratique mais aucun pays n’est à l’abri d’une bavure ici ou là dû à un comportement individuel ou une mauvaise interprétation des textes. Ce rapport a soulevé un grand débat et même un tollé. Il nous a amené à réfléchir et à nous rendre compte que nous ne communiquons pas très bien. Nous avons répondu aux critiques d’Amnesty en nous expliquant et en apportant la preuve des exagérations que contenait son rapport. Amnesty a une longue histoire avec le Maroc et malgré toutes ces critiques elle a globalement une appréhension positive de nos avancées.

Quels seront vos sujets de prédilection à Genève?

Ma première prise de parole publique depuis mon arrivée a été lors de la célébration du trentenaire de la Convention internationale contre la torture et les comportements dégradants. C’était un heureux hasard de calendrier qui m’a permis de rappeler combien le Maroc tenait à la mise en œuvre de cette convention. Mon pays, avec son identité plurielle, berbère, africaine, juive, méditerranéenne est porteur d’une grande ambition. Il est la démonstration que l’islam dans sa pratique tolérante est compatible avec la démocratie et le respect des droits de l’homme. Nous sommes très ouverts à la marche de l’humanité vers le progrès. Par notre positionnement géographique, nous pouvons faciliter et densifier les liens entre le nord et le sud dans de système des Nations Unies. Nous comptons pleinement mettre à profit notre mandat au sein du Conseil des droits de l’homme pour la promotion et la protection des valeurs des droits de l’homme et pour la préservation de leur universalité.

Votre passé de journaliste vous sera-t-il utile?

Le journalisme, ce sont des convictions qu’on porte, c’est un regard critique, un regard éveillé sur le monde. Dans ma vie professionnelle, que ce soit au gouvernement, au parlement ou dans la diplomatie, j’ai toujours conservé mes réflexes de journaliste. Cela m’a permis d’appréhender toutes les problématiques et toutes les situations avec une grande ouverture d’esprit et le respect de l’autre. On peut être un ancien ambassadeur, un ancien ministre mais pas un ancien journaliste. L’attachement à la liberté d’expression, à la liberté de réunion, aux droits de l’homme, ce sont des valeurs qu’on ne perd pas.

Pourquoi n’avance-t-on pas sur la question du Sahara?

Le Maroc a mis sur la table une proposition politique généreuse et très audacieuse qui consiste en une autonomie très large des provinces du sud dans le cadre de la souveraineté marocaine. Le Conseil de sécurité de l’ONU et beaucoup de grandes capitales et de pays amis ont trouvé que cette proposition était sérieuse et crédible. C’est un compromis politique où il n’y a ni vaincu et vainqueur. Le dernier discours de Sa Majesté le roi, le 6 novembre lors de la Marche Verte, a réitéré la disponibilité du Maroc à la recherche d’une solution politique sur la base de la proposition d’autonomie.

Pourquoi le Maroc a-t-il échappé aux soubresauts des printemps arabes?

Quand les jeunes ont protesté, le roi n’a pas fait sortir les chars, il n’a pas envoyé la police. Mohamed VI a réagi positivement en engageant des réformes. Le discours du 9 mars qui a été le prélude à la nouvelle Constitution a été un tournant dans l’histoire du Maroc. Elle reprend à son compte les standards universels en matière de droits de l’homme et de construction démocratique.

Pourquoi les relations que le Maroc entretient de longue date avec la France se sont-elles distendues?

La France demeure toujours un allié stratégique. Nous avons des relations historiques anciennes et un partenariat qui a fait ses preuves. Nous arrivons à un moment où, entre nos deux pays, il faut une clarification courageuse et franche. Elle est nécessaire pour éviter que nous revivions les crises que nous avons vécues ces derniers mois. Le Maroc est un Etat souverain. Il tient à son image, à son intégrité et à sa dignité, surtout de la part de ses partenaires privilégiés.

Comment le Maroc fait face à la menace terroriste alors qu’il se trouve dans une région plutôt exposée?

Avec les moyens légaux qui sont à disposition dans un Etat de droit et dans un esprit de respect scrupuleux des procédures judiciaires. Le Maroc a développé une expertise reconnue internationalement dans le domaine de la lutte contre la radicalisation reconnue par l’ONU et internationalement que nous partageons avec nos amis qui font face à ce fléau international. Nous sommes conscients que la lutte contre le terrorisme se situe à la jonction entre les droits de l’homme et le maintien de la sécurité. Nous nous efforçons de concilier entre ces deux impératifs dans le strict respect des législations nationales et des standards internationaux.

(TDG)