
Les défenseurs de l’environnement sont inquiets. Au Nicaragua, le projet de canal reliant le Pacifique à l’Atlantique, long de 278 kilomètres et qui doit passer par la principale source en eau du pays, n’en est plus au stade de la simple maquette.
Annoncé en juillet dernier par le président Daniel Ortega, le tracé devrait recevoir son premier coup de pioche le 22 décembre, a annoncé en fin de semaine dernière l’entreprise HKND, en main du milliardaire chinois Wang Jing, qui investit dans ce projet pharaonique. Son coût est devisé au bas mot à 47 milliards de francs.
Les ONG qui s’opposent au projet dénoncent l’immense risque de polluer par salinisation le lac Cocigolpa, la deuxième plus grande réserve d’eau douce d’Amérique latine, sans compter la destruction de 400’000 hectares de jungle, où vivent des populations indigènes. Le gouvernement du Nicaragua, lui, met en avant les 40’000 emplois que va créer l’ouvrage, et surtout, son ambition de pomper dès 2020 une partie du trafic commercial qui passe aujourd’hui par le seul canal existant, celui du Panama.
Ce dernier est en cours d’élargissement, mais avec l’explosion du commerce mondial, il serait déjà en sous capacité. Le canal nicaraguayen, plus large encore, vise à attirer des porte-conteneurs de 250’000 tonnes, soit plus du double de ceux qui pourront passer à travers le Panama. Reste à savoir si ce projet fou de creuser un nouveau canal arrivera à son terme. Selon des experts, son coût serait largement sous-évalué.
Marché en croissance
Le Nicaragua n’est pas le seul pays d’Amérique centrale à rêver d’exploiter, un jour, la manne du trafic commercial transocéanique. Sur un marché en croissance – rapportant jusqu’à un million de dollars par navire pour le futur canal panaméen élargi –, tout le monde imagine sa propre route: en 2012, le Guatemala a monté une organisation chargée de plancher sur un couloir reliant les ports par voie routière ou ferrée. En 2011, le Honduras, le Salvador et le Costa Rica ont également imaginé leur propre tracé en canal sec, tout comme, plus au sud, la Colombie.
Tous ces tracés n’en sont qu’au stade des études de faisabilité, mais ils ont un point commun qui ne passe pas inaperçu: comme pour le canal du Nicaragua, les entreprises chinoises sont dans le coup, et ce n’est pas un hasard.
Derrière cet engagement privé, Pékin chercherait à contrôler un couloir stratégique par lequel passerait le gros des exportations du pays, avance une récente enquête du Monde diplomatique. Non seulement Pékin veut s’assurer des routes maritimes adaptées à ses capacités commerciales, mais elle aimerait aussi être certaine d’en avoir l’accès. Or aujourd’hui, même si les Etats-Unis ont rétrocédé le canal de Panama, ils continuent d’avoir la main sur cette voie stratégique. Leurs navires bénéficient d’une priorité de passage, et militairement, le chenal sert toujours à faire passer leurs sous-marins.
(24 heures)