EMEUTES DE FERGUSON: L’injustice raciale choque et enflamme l’Amérique

La ville de Ferguson pansait ses plaies, hier, à l’issue d’une nuit marquée par de violentes émeutes raciales. La situation a dégénéré mardi soir peu après la décision d’un grand jury de ne pas poursuivre Darren Wilson, le policier blanc qui a abattu le 9 août Michael Brown, un noir de 18 ans qui n’était pas armé. Au cours d’une annonce agendée à 20 heures, heure locale, Robert McCulloch, le procureur s’est efforcé de défendre le verdict qui aurait dû représenter une défaite pour lui.

Dans le système juridique américain, le procureur présente normalement ses pièces à conviction à un grand jury pour tenter de convaincre les jurés d’autoriser un procès. Et il est très rare qu’un grand jury désavoue un procureur de cette manière. En 2010 par exemple, la dernière année pour laquelle il existe des statistiques aux Etats-Unis, les procureurs fédéraux ont présenté 162’000 cas à des grands jurys et ces derniers n’en ont débouté que onze.

Ces statistiques n’ont pas échappé aux manifestants qui criaient «pas de justice, pas de paix» à Ferguson. Le chef de la police du comté a organisé une conférence de presse dans la nuit de lundi à mardi pour commenter les violentes émeutes aux cours desquelles 61 personnes ont été arrêtées. «Ce que nous avons vécu ce soir (ndlr: mardi soir) est probablement pire que ce que nous avions vécu lors de la pire nuit en août et c’est vraiment triste», a-t-il affirmé.

Benjamin Crump, l’avocat de la famille de Michael Brown a, pour sa part, critiqué hier avec virulence le verdict du grand jury et l’attitude du procureur pendant le processus du grand jury: «Il y a de quoi se gratter la tête et se demander quand le procureur allait enfin faire le contre-interrogatoire d’un homme accusé d’avoir tué une personne qui n’était pas armée?»

Nombreuses manifestations
De nombreux rassemblements ont été organisés dans plusieurs grandes villes des Etats-Unis dont Seattle, New York, Philadelphie et Oakland, où plus de 40 personnes ont été arrêtées après avoir bloqué une autoroute. La ville, dans la banlieue de San Francisco, avait été le théâtre d’émeutes en 2009, lorsque Oscar Grant, un Afro-Américain qui n’était pas armé, avait été abattu par un policier blanc. Celui-ci avait été condamné à 2 ans de prison dans ce cas. A New York, le cas d’Eric Garner, un Afro-Américain qui est décédé à la suite d’une interpellation violente par des policiers le 17 juillet dernier, est encore dans les mémoires. Cette affaire est d’ailleurs examinée en ce moment par un grand jury à New York.

Barack Obama a pris la parole mardi soir et a reconnu qu’il restait des progrès à faire pour l’égalité entre les communautés. «Nous devons admettre que ce n’est pas qu’un problème à Ferguson, mais dans toute l’Amérique», a-t-il affirmé. «Nous avons fait d’énormes progrès au niveau des relations raciales ces dernières décennies. (…) Mais il est aussi vrai qu’il y a toujours des problèmes et que les gens de couleur n’inventent pas ces problèmes.»

«Il y a toujours du racisme et c’est récurrent», réagit Alexis R., un habitant métis de Paterson dans le New Jersey dont la fille de 12 ans a été la victime d’une balle perdue cette année. «Je me souviens d’un jeune qui était dans ma classe en 1995 et qui avait été abattu par un policier. Il y avait aussi eu des émeutes à l’époque. Et j’ai l’impression que les gens se disent que les choses ne changent pas.»

Marche
Ce sentiment semble partagé par la National Association for the Advancement of Colored People (NAACP), la principale organisation qui se bat pour l’égalité entre Noirs et Blancs aux Etats-Unis. «Nous sommes déterminés à continuer notre combat contre la discrimination raciale, la brutalité de la police et la militarisation des autorités locales», a réagi Cornell William Brooks, le président de la NAACP. Cette dernière a annoncé qu’elle organisera une marche qui partira de Ferguson samedi matin et ira jusqu’à Jefferson City, la capitale du Missouri. «Notre marche sera suivie de nombreuses autres manifestations», a ajouté Cornell William Brooks. «Nous voulons montrer au pays et au monde que la NAACP n’abandonnera pas tant que nous n’obtiendrons pas un profond changement et la justice dans les cas de bavures policières au nom de Michael Brown et des nombreux hommes et femmes qui ont été victimes de ces bavures.»

(24 heures)