ETATS-UNIS: Ferguson, après les émeutes, le spectre des divisions raciales

Le spectre des divisions raciales aux Etats-Unis a ressurgi après une nouvelle nuit d’émeutes à Ferguson. Des troubles provoqués par la décision d’un jury populaire de ne pas inculper le policier blanc qui a tué Michael Brown, un jeune Noir non armé.

Dès l’annonce du verdict, les violences ont éclaté dans la petite ville du Missouri. De Seattle à New York, des milliers d’Américains sont descendus dans les rues pour dénoncer «le racisme qui tue».

«Pas de justice, pas de paix», scandaient les manifestants en colère, sourds aux appels au calme lancés dans la soirée par le président Barack Obama et la famille Brown.

Selon le chef de la police du comté de Saint-Louis Jon Belmar, les forces de l’ordre ont été la cible de nombreux tirs – 150, selon son propre décompte – qui n’ont pas fait de victime. Une dizaine de bâtiments ont aussi été incendiés.

Une soixantaine de personnes ont été arrêtées. A New York deux manifestants ont appréhendés.

Batailles rangées

Les policiers, qui avaient reçu des renforts de la Garde nationale et du FBI, ont riposté à coups de gaz lacrymogènes, matraques, et grenades aveuglantes. Dans certaines rues se déroulaient de véritables batailles rangées au cœur de cette banlieue de Saint-Louis, sillonnée par des véhicules blindés.

Le gouverneur du Missouri Jay Nixon, qui avait décrété l’état d’urgence dans la crainte de violences, a demandé de nouveaux renforts de la garde nationale.

Légitime défense

Après trois mois de délibérations, le procureur du comté de Saint-Louis a annoncé lundi soir que l’agent de police, Darren Wilson, ne serait pas inculpé, le jury ayant considéré qu’il avait agi en état de légitime défense après une «altercation».

«Il n’y a pas de doute que l’agent Wilson a causé la mort» de Michael Brown, a déclaré le procureur Robert McCulloch, parlant de «décès tragique». Mais les douze jurés, neuf Blancs et trois Noirs, qui ont mené une instruction «complète et approfondie», «ont déterminé qu’il n’y a pas de raison suffisante pour intenter des poursuites contre l’officier Wilson».

«Justice pour Mike Brown»

Peu après l’annonce de la décision, le président Obama et la famille de Michael Brown ont exhorté la foule à manifester dans le calme et la police à faire preuve de «retenue». Un appel relayé à Genève par le Haut Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme.

Devant la Maison-Blanche, la foule brandissait des pancartes réclamant «Justice pour Mike Brown» et scandait «les mains en l’air, ne tirez-pas». Les proches de la victime militent notamment pour que les policiers portent des caméras individuelles afin d’éviter des bavures.

L’enquête fédérale se poursuit

Le ministre de la Justice Eric Holder a rappelé que l’enquête fédérale se poursuivait. «Elle est indépendante de l’enquête locale depuis le début et le restera», a-t-il déclaré.

La mort de Michael Brown en août a ravivé le débat sur l’attitude des forces de l’ordre et les relations raciales aux Etats-Unis. Dans son message, le président Obama a mis en garde contre la tentation de «dissimuler les problèmes» liés au racisme dans le pays.

Le Haut Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme Zeid Ra’ad Al Hussein a lui dénoncé le nombre disproportionné de victimes de la police parmi les Noirs et de détenus Noirs dans les prisons américaines.

Réaction jusqu’en France

La mort de Michael Brown se fait ressentir jusqu’en France, où la ministre de la Justice Christiane Taubira s’est emportée dans un tweet contre la décision du jury.

«Quel âge avait #Mickael Brown? 18 ans. #Trayvon Martin? 17. #Tamir Rice? 12. Quel âge le prochain? 12 mois? Tuez-les avant qu’ils ne grandissent Bob Marley», a écrit Christiqne Taubira, égrenant les noms de jeunes Noirs tués par la police aux Etats-Unis et reprenant des paroles de «I shot the sheriff», un des tubes phare du roi du reggae.

Michael Brown, qui n’était pas armé, a été tué par Darren Wilson d’au moins six balles en plein jour le 9 août. Une vingtaine de minutes auparavant, le jeune homme avait été filmé dans une supérette en train de voler une boîte de cigarillos.

Des témoins avaient affirmé qu’il avait les mains en l’air au moment où le policier a fait feu. Mais, selon le procureur, plusieurs témoins oculaires se sont rétractés devant le grand jury, ou ont été contredits par les indices matériels.

(ats/Newsnet)