
«Depuis l’URSS, on est habitué aux semi-vérités des autorités…» Pavel, simple Moscovite, commente tout en ironie les assurances que le Kremlin de Vladimir Poutine vient de donner sur les méfaits économiques de la crise ukrainienne, des sanctions occidentales et de la forte baisse des prix pétroliers.
«Est-ce que cela nous nuit? Partiellement mais pas fatalement…» déclare le président russe. Certains économistes anticipent des conséquences catastrophiques? «Rien de tout ça ne va arriver!» prédit Vladimir Poutine.
Depuis dimanche, ces assurances sont montrées en boucle par les télévisions publiques. «Mais la réalité du terrain est plus préoccupante: prix en forte hausse dans les magasins, rouble en chute libre et rumeurs de licenciements en masse…» conteste Pavel, la trentaine, manager dans une petite entreprise privée de Moscou.
Double menace
Paradoxalement, la confiance affichée par le Kremlin intervient alors que, pour la première fois, le Ministère des finances a publié ses estimations sur l’impact des sanctions et de la baisse des prix pétroliers. Des chiffres montrant à quel point l’économie russe est menacée par deux épées de Damoclès: le coût des sanctions est évalué à 32 milliards d’euros par an et, avec le recul de 30% du cours du pétrole, la Russie perdrait entre 70 et 80 milliards d’euros par an.
C’est la perspective d’une baisse prolongée du prix du baril qui, chez les autorités comme au sein de la population, inquiète le plus. Sont menacés à la fois les généreux programmes sociaux du gouvernement pour les classes populaires et le niveau de vie aisé de la nouvelle classe moyenne – deux électorats clés de Poutine.
«Les sanctions et la baisse des cours pétroliers n’ont pas créé des problèmes. Elles ont révélé nos problèmes anciens», prévient Evguenï Gavrilenkov, économiste en chef de Sberbank, la principale banque du pays. L’économie russe souffre notamment d’un manque de diversification industrielle au-delà des hydrocarbures et d’une insuffisance chronique d’investissements.
«Attendons quelques mois. Même avec un baril faible, les perspectives de croissance sont réelles», insiste Evguenï Gavrilenkov, optimiste malgré les menaces de récession. Car la croissance a ralenti au troisième trimestre, à 0,7% sur un an contre 0,8% au deuxième, et le gouvernement s’attend à un chiffre négatif au quatrième semestre. Très loin des taux à 7% lors des premiers mandats de Poutine sur fond d’envolée des cours du pétrole.
“En lieu sûr”
«C’était le bon temps…» ironise Pavel. La crise l’a obligé non seulement à annuler ses vacances de Noël dans les Alpes mais aussi à repenser ses placements financiers: s’il ne part pas à l’étranger pour les Fêtes, il confie avoir placé les économies familiales «en lieu sûr».
La Banque centrale russe estime la totalité des sorties de capitaux à 130 milliards de dollars sur l’année – plus du double de 2013. Une poussée qui, à elle seule, prouve à quel point de nombreux Russes font peu confiance aux propos rassurants du Kremlin…
(24 heures)