
Ariane 6 prend enfin son envol. Réunis mardi en conférence ministérielle au Luxembourg, les 20 pays membres de l’Agence spatiale européenne (ESA) ont officiellement lancé le développement du futur lanceur de satellites, destiné à remplacer Ariane 5. Après des années de débats et de tensions, cet accord est une délivrance. «C’est un succès. J’ose même dire un grand succès», s’est félicité Jean-Jacques Dordain, directeur général de l’ESA, lors de la conférence de presse.
«Le sujet des lanceurs est en effet très important, souligne Stéphane Berthet, vice-président de la Commission fédérale des affaires spatiales (CFAS). Il est fondamental que l’Europe dispose d’un accès indépendant à l’espace. La Suisse a toujours défendu cette position d’autonomie au sein de l’ESA, parce que si nous devons dépendre d’autres acteurs pour lancer nos satellites, les prix peuvent vite devenir exorbitants. Par ailleurs, l’entreprise Suisse RUAG Space à Emmen (LU), produit la coiffe des fusées Ariane. C’est donc économiquement intéressant pour le pays que l’aventure continue.»
Concurrence accrue
L’actuelle fusée européenne Ariane 5, qui affiche 62 succès d’affilée, est leader mondial du lancement de satellites, avec plus de 50% du marché. Mais l’émergence de nouveaux acteurs, en particulier le Falcon de l’américain SpaceX, est venue mettre en péril cette suprématie. «Le prix pour la mise en orbite avec Ariane 5 est pratiquement le double de celui proposé par SpaceX, poursuit Stéphane Berthet. Même si le lanceur américain n’est pas encore capable de réaliser tout ce que fait Ariane, il fallait que l’Europe reste compétitive. D’autant qu’après SpaceX, d’autres acteurs, comme l’Inde, vont arriver. C’est un marché en plein essor.»
Pour parvenir à réduire les coûts de lancement, l’Allemagne militait pour une amélioration progressive de la fusée actuelle – une option moins onéreuse et industriellement moins risquée que le développement d’un nouvel appareil. Mais au regard de la montée en puissance de SpaceX, Berlin s’est finalement rallié à la position française d’une rupture technologique avec la création d’un lanceur inédit. Coût de l’opération: 4 milliards d’euros. Cette facture inclut le développement de la nouvelle fusée, la construction d’un pas de tir à Kourou et l’évolution du petit lanceur Vega. La France financera 52% du programme, l’Allemagne 22%, l’Italie 12% et l’Espagne 6%. Le reste se répartit entre les Pays-Bas, la Belgique, la Suède et la Suisse.
Modulable en deux versions – une légère avec deux propulseurs et une lourde avec quatre – Ariane 6 sera adaptée aussi bien aux besoins institutionnels (satellites scientifiques, sondes spatiales…), qu’aux vols commerciaux (télécommunication, GPS, télévision…). Son premier vol vers l’espace est prévu en 2020. Mais d’ici là «un rendez-vous est prévu en 2016, a précisé Jean-Jacques Dordain, afin de décider si mous poursuivons le projet Ariane 6 ou si nous le réorientons.»
(24 heures)