FRANCE: Les bébés échangés à la naissance veulent 12 millions d’euros

«Evidemment, il y a un côté vaudeville, mais, au final, la souffrance est énorme.» Me Gilbert Collard revient sur l’extraordinaire affaire des bébés échangés dans une maternité de Cannes, il y a vingt ans, examinée ces jours par le Tribunal de Grasse (Alpes-Maritimes). L’audience s’est tenue à huis clos. Les deux familles réclament 12 millions d’euros (14,4 millions de francs) de dédommagement. Verdict le 8 février prochain.

Le nœud de l’intrigue se joue dans la chaleur de l’été 1994. Sophie Serrano, 18 ans, met au monde une enfant à la peau claire. Après une jaunisse pendant laquelle elle partage une couveuse avec une autre enfant, la petite Manon est remise à sa mère, qui s’étonne de sa couleur métisse. On rassure la jeune mère… Jusqu’à ce que, dix ans plus tard, la vérité éclate suite aux démarches du mari, qui ne supporte plus les rumeurs sur «la fille du facteur», comme Sophie le raconte dans le Figaro.

«Cette erreur a été rendue visible parce qu’une fillette est métisse. Si les deux enfants avaient été totalement blanches, le père – et ex-mari de ma cliente – n’aurait jamais imaginé qu’il était cocu. Et entrepris des démarches en désaveu de paternité», raconte Gilbert Collard. Député FN du Gard, l’avocat est le défenseur de Sophie Serrano et de sa «fille de cœur Manon». Celles-ci ont décidé de médiatiser le cas afin de lui donner valeur d’exemple. Contrairement à la deuxième famille, qui tient à rester anonyme.

Plusieurs traumatismes
«La décision doit être exemplaire pour que les compagnies d’assurances mettent la pression sur les maternités. Cela ne doit plus se reproduire», tranche Gilbert Collard. Le célèbre avocat estime qu’il a peu de chances d’obtenir l’entier de la réparation, mais ce chiffre est à la hauteur du traumatisme subi. Dans les faits, ces 12 millions équivalent à 3 millions d’euros pour chaque enfant, 1,5 million pour trois parents et 750 000 euros pour les frères et sœurs, ainsi que 100 000 euros de préjudice matériel.

«Il y a eu plusieurs traumatismes», explique l’avocat de celle qui a vu son mariage brisé par cette affaire. Et de poursuivre: «En 2005, un juge reconnaît l’erreur, preuve ADN à l’appui, mais tranche: «Circulez, il n’y a rien à punir!» La maternité, fermée depuis lors, admet sa faute. C’est donc la procédure civile qui doit se déterminer.

Aujourd’hui âgées de 20 ans, les deux jeunes filles (Manon et Mathilde) vivent dans leur famille «par erreur» et restent très distantes, depuis 2005, de leurs parents biologiques. Histoire de se construire dans le calme. Rien à voir donc avec la parodie sociétale de La vie est un long fleuve tranquille, le film d’Etienne Chatiliez. Quoique? On pourrait trouver des similitudes à écouter Gilbert Collard philosopher: «Cette histoire est une erreur d’aiguillage existentielle.»

(24 heures)