DIPLOMATIE: La Suisse finit en beauté sa présidence de l’OSCE

Le 1er janvier dernier, lorsqu’il succède pour 12 mois à son homologue ukrainien à la tête de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), Didier Burkhalter ne sait pas encore que l’Ukraine, justement, va bouleverser l’année présidentielle de la Suisse. Et la vie de ses diplomates.

Certes, à Kiev, les manifestations sur la place de l’Indépendance se multiplient depuis le rejet, le 29 novembre 2013 par le président Ianoukovich, d’un accord d’association avec l’Union européenne. Mais personne ne prévoit l’évolution dramatique des événements: l’annexion de la Crimée par la Russie, la guerre à l’Est contre les séparatistes soutenus par Moscou, le crash du Boeing de la Malaysia Airlines, la crise économique et énergétique.

Onze mois et cinq jours plus tard, et alors que s’achève ce vendredi soir à Bâle la 21e Conférence ministériel de l’OSCE, le temps d’un premier bilan de la présidence suisse de l’organisation est venu. Quelques jours avant que le chef du Département fédéral des affaires étrangères ne passe le témoin à son homologue serbe, le 1er janvier prochain.

Louanges unanimes

«La Suisse a été remarquable en tous points, son personnel et son expertise ont fait l’admiration de tous, même si on a pu la trouver parfois un peu trop conciliante avec la Russie», lance ce diplomate américain en poste au siège de l’OSCE à Vienne. Comme la plupart de ses homologues accourus à Bâle ces deux derniers jours, il veut garder l’anonymat, laissant à son ministre – John Kerry en l’occurrence – le soin de tresser les lauriers officiels. Des louanges unanimes, au demeurant, chacun s’accordant à reconnaître les grandes qualités de la diplomatie suisse et de son chef dans ce qui restera sans doute comme l’année la plus difficile de l’histoire de l’OSCE. «Vous avez des diplomates de grands talents, comme l’ambassadrice Heidi Tagliavini ou ses homologues Thomas Greminger et Tim Guldimann», assure un diplomate de l’Est.

Neutralité et principes

«Seul un pays neutre pouvait maintenir les fils du dialogue entre Moscou et Kiev», salue cet Italien. Il est vrai, commente depuis Genève André Liebich, professeur honoraire au Graduate Institute (Institut de Hautes études internationales et de développement) que «dans cette organisation où le consensus est la règle, la neutralité active de la Suisse est très bien acceptée, car elle ne menace personne». En d’autres termes, la Suisse a la cote à l’OSCE car elle n’a pas d’agenda caché, ne penche ni d’un côté ni de l’autre. Mais il y a mieux, relève cet autre diplomate, «Didier Burkhalter, n’a jamais cédé sur les principes des accords d’Helsinki dont on s’apprête à célébrer les quarante ans – respect du droit international, intangibilité des frontières, primauté du dialogue sur la force, etc – et ne s’est pas privé de les rappeler à Vladimir Poutine lors de leurs rencontres de mai et juin derniers. ça aussi, ça a marqué les esprits».

La double casquette de Burkhalter

«Le fait que Didier Burkhalter portait cette année deux casquettes – celle de président de la Confédération et de ministre des affaires étrangères – a aussi joué un rôle clé», commente un autre diplomate suisse. «Il faut comprendre que dans de nombreux pays de l’Est, l’administration présidentielle est souvent plus puissante que les ministres. Dans ce sens, pouvoir jouer sur les deux tableaux était un atout considérable pour Didier Burkhalter».

Bémol

Cela dit, et chacun en est conscient, la crise en Ukraine n’a pas encore trouvé son épilogue. Loin s’en faut. Malgré tous les efforts de la présidence suisse. «Mais sans cette dernière, cela aurait sans doute été pire, a reconnu ce matin Franz Walter Steinmeier, le ministre allemand des affaires étrangères, lui aussi très louangeur à l’égard de Didier Burkhalter et de son staff. Sans les efforts suisses, l’accord de Minsk sur l’Ukraine – même s’il est régulièrement violé ¬- n’existerait tout simplement pas, et les missions des observateurs de l’OSCE sur le terrain n’auraient pas lieu, a-t-il dit en substance lors d’un point de presse.

Des compliments qui iront droit au cœur des diplomates suisses qui, selon certains d’entre eux, attendent avec impatience la fin de l’année la plus excitante mais aussi la plus fatigante de leur carrière.

(24 heures)