
«Romanos est la Grèce!» La banderole s’affiche sur le fronton des universités ou des mairies, occupées une à une dans tout le pays, en soutien à Nikos Romanos. Ce jeune activiste, condamné pour faits d’armes en est à son 30e jour de grève de la faim pour obtenir le droit de suivre les cours à l’Université. «Son histoire est celle d’une descente aux enfers parallèle à celle du pays», lance le blogueur grec Nikos Smyrnaios. Son combat est devenu une parabole de la crise, métaphore de la perdition sociale et personnelle que tant de Grecs vivent au quotidien.
C’est le 6 décembre 2008 que ce fils de bonne famille, alors âgé de 15 ans, voit son ami d’enfance Alexis Grigoropoulou mourir sous les balles d’un policier. Il sera de toutes les émeutes qui ont suivi, prémices de la crise grecque à venir, avec la révolte de sa jeunesse. Parti de chez lui, Nikos disparaît. Puis on le voit réapparaître le visage tuméfié, portant des traces de maltraitance policière. Condamné pour braquages et appartenance à une organisation terroriste, il est mis en prison. C’est là qu’il se marie et qu’il reprend ses études et s’inscrit à l’Université. Mais voilà, les autorités refusent de lui accorder des «sorties encadrées» (soit par bracelet électronique soit accompagné par son professeur).
Le sort de Nikos a indigné tout le pays. Car au même moment, d’autres vivent une détention très confortable, qu’ils soient derrière les barreaux pour appartenance à des cartels de la drogue, aux réseaux de foot mafieux ou à la direction du parti néonazi Aube dorée. Du coup, le gouvernement se voit accusé de chercher à détourner l’attention au moment où il est acculé de toutes parts.
Voyez plutôt. L’échec des négociations avec la Troïka (FMI, UE et Banque centrale européenne) a reporté aux calendes grecques la sortie promise de la tutelle. L’Eurogroupe, réuni ce lundi, a prolongé de deux mois le programme d’aide dont bénéficie actuellement la Grèce (qui arrivait à échéance le 31 décembre), car la Troïka des créanciers n’a pas pu conclure l’examen des comptes du pays. Le budget 2015, voté de justesse dans la nuit de dimanche, alors que des milliers de manifestants défilaient face au Parlement, comprend de nouvelles mesures d’austérité pour une population déjà exsangue: hausse de la TVA, coupes dans la protection sociale, la santé, l’éducation, la culture, gel des pensions, baisse des salaires… Sur le frontispice de l’ancien collège de Nikos, une autre banderole promet des étincelles: «From Athens to Ferguson, No Justice, No Peace!»
(24 heures)