ITALIE: Rome, capitale du crime organisé et des rumeurs

 

 

C’est un de ces feuilletons politico-judiciaires dont l’Italie a le secret. Le premier épisode a été «diffusé» mardi dernier avec l’annonce du démantèlement d’une vaste organisation criminelle ayant infiltré la Municipalité de Rome ces dernières années.

Depuis, une centaine d’entrepreneurs et de responsables politiques de tous bords, dont l’ex-maire Gianni Alemanno (droite, 2008-2013) sont visés par l’enquête qui a conduit à l’arrestation de 37 personnes, parmi lesquelles le chef présumé du réseau, Massimo Carminati.

Surnommé «le Borgne», depuis qu’il a perdu un œil dans un échange de coups de feu avec la police, cet ancien des NAR (Noyaux armés révolutionnaires, extrême droite) s’est reconverti dans le crime organisé en fréquentant l’un des plus fameux groupes de truands romains, la Banda della Magliana.

Roi de Rome

Prenant peu à peu du galon, Carminati (56 ans) a fini par mettre sur pied son propre clan et devenir le nouveau «roi de Rome». Son réseau est soupçonné d’avoir organisé un vaste système de corruption visant à fausser de nombreux appels d’offres et bénéficier de fonds publics de la Municipalité de Rome destinés, par exemple, à des centres d’accueil pour les Roms ou les réfugiés.

Valises pour l’Argentine

Comme toujours dans ces affaires, les rumeurs et les semi-vérités vont bon train dans les médias qui en font leurs choux gras. C’est ainsi qu’hier, l’ancien maire de Rome Gianni Alemanno s’est vu accusé – sur la base d’écoutes téléphoniques partielles diffusées par la presse – d’avoir effectué, en compagnie de son fils, quatre voyages en Argentine avec des valises pleines de billets. Et comment aurait-il passé les contrôles douaniers? En passant par le guichet réservé aux diplomates et autres VIP.

Outré, Alemanno s’est défendu en assurant qu’il n’était allé qu’une fois en Argentine pour le réveillon 2011-2012, et en famille. «Je suis le seul maire de Rome qui a quitté ses fonctions plus pauvre que quand il les a prises», a-t-il encore lancé. Les enquêteurs n’ont pas commenté. Tout comme ils n’ont pas épilogué sur les rumeurs de transfert vers Lugano de fonds mal acquis par l’organisation de Carminati «le Borgne».

Un air de «mani pulite»

Cette énorme affaire, dont on ignore encore les conséquences, rappelle a certains l’époque de l’opération «mani pulite» (mains propres), lancée par la justice milanaise au début des années 90 et qui mit un terme à la première république. Et favorisa l’accession au pouvoir d’un certain Silvio Berlusconi.

S’exprimant hier sur ce nouveau scandale qui pourrait voir la capitale italienne placée sous tutelle, le premier ministre Matteo Renzi (un Florentin) a déclaré: «nous ne laisserons pas Rome aux mains des voleurs». Une manière de dire sa volonté d’aller jusqu’au bout dans l’opération nettoyage de la capitale. Même au risque de voir certains membres de son propre parti mouillés.

Enfin, montrant une certaine sérénité, l’actuel maire de Rome, Ignazio Marino, a assuré que finalement il renonçait à une escorte policière et continuerait à aller au travail à vélo. Selon des écoutes téléphoniques, la bande de Carminati le qualifiait de «problème».

(24 heures)