PROCHE-ORIENT: «L’initiative de la Suisse est politique et amorale»

 

 

L’organisation mercredi prochain par la Suisse d’une conférence sur le respect du droit international humanitaire dans les Territoires palestiniens a été condamnée par le cabinet de Benjamin Netanyahou. A Genève, le représentant d’Israël auprès de l’ONU est également sorti de sa réserve pour dénoncer «l’initiative de la suisse».

Eviatar Manor, qui avait plaidé il y a quelques mois pour le retour d’Israël au sein du Conseil des droits de l’homme, se dit amer et en colère. Plusieurs pays ont d’ores et déjà annoncé qu’ils boycotteraient la conférence qui devrait se tenir dans le bâtiment de l’Organisation météorologique mondiale (OMM), à cinquante mètres de l’ambassade d’Israël.

Pourquoi l’initiative de la Suisse suscite une réaction aussi vive de la part d’Israël?

Parce qu’on utilise un instrument humanitaire à des fins politiques. Une fois encore, les Conventions de Genève sont détournées pour faire le jeu de ceux qui assaillent Israël. Nos rapports au sein du Conseil des droits de l’homme et avec le Haut-commissariat aux droits de l’homme ont toujours été complexes. Mais là, c’est très décevant. Cette manière de procéder n’est pas constructive. En agissant ainsi, la Suisse ne peut pas continuer à prétendre qu’elle est neutre et apolitique. Elle s’est sciemment laissée instrumentaliser.

Par qui?

Par les pays arabes et l’Organisation de la conférence islamique, qui veulent utiliser ce forum humanitaire comme une tribune contre l’Etat d’Israël. Les outils qu’offre l’ONU sont détournés et utilisés contre nous. Rien ne peut justifier l’attitude de la Suisse et la caution qu’elle apporte à cette démarche. En tant que dépositaire des Conventions de Genève, elle doit assurer une fonction technique pas politique.

Avez-vous eu des contacts avec les autorités suisses ces dernières semaines?

Oui bien sûr. Nous avons eu des rencontres à Genève et à Berne pour les mettre en garde et essayer de les dissuader d’organiser cette conférence. Malheureusement, nous n’avons pas été entendus. La Suisse estime que c’est une réponse morale au conflit israélo-palestinien mais l’argument n’est pas recevable. C’est une réponse bureaucratique. Qu’on essaie de donner un peu plus de force au droit international humanitaire une bonne chose mais cela ne doit pas donner lieu à une instrumentalisation.

Pourquoi cette démarche vous paraît-elle si injuste?

Les deux seules conférences tenues à ce jour ont porté sur le conflit israélo-palestinien, tandis que de nombreuses autres crises ont fait des centaines de milliers de morts dans le monde. Quand il s’agit de la Syrie, on nous explique que ce n’est pas possible. Mais on n’a pas besoin d’un accord de l’assemblée générale de l’ONU. Si la Suisse avait pris l’initiative de convoquer une conférence sur la Syrie, cela aurait été une position morale et courageuse. Aujourd’hui, la question est de savoir ce qu’on cherche à obtenir en organisant cette conférence.

D’autres pays vont-ils boycotter la conférence de mercredi?

Oui, le Canada et les Etats-Unis, mais aussi le Rwanda, ce qui est un symbole fort au regard du génocide qu’a connu ce pays. Cela montre bien que cette conférence est politique, amorale et «irrelevante». Si Genève veut continuer à être le phare des droits de l’homme, elle doit conserver sa neutralité. Les conventions humanitaires doivent aussi être égalitaires.

(24 heures)