SIERRA LEONE: Les orphelins d’Ebola font peur

 

 

D’un geste automatique, Tenneh Kamara empile des bouts de bois, par petits tas, devant le seuil de sa maison. Ses yeux, fixés sur le sol, semblent en permanence au bord des larmes. «Tous les matins, je vais couper des brindilles et je les vends à l’heure du déjeuner», dit la jeune fille de 16 ans qui vit dans la banlieue de Freetown, la capitale sierra-léonaise.

Depuis la mort de ses parents, il y a un peu plus d’un mois, l’adolescente doit chaque jour «trouver de quoi manger» pour elle et ses deux petits frères. «Ma mère est tombée malade et mon père l’a emmenée à l’hôpital. Quelques jours plus tard, il nous a dit qu’elle était morte, raconte-t-elle. Puis, c’est lui qui a commencé à se sentir mal. Il nous disait de ne pas l’approcher, nous dormions sous le porche de la maison».

Plusieurs milliers d’enfants ont perdu un ou leurs deux parents à cause de l’épidémie d’Ebola en Sierra Leone, en Guinée et au Liberia. Une crise parallèle. Or, il n’y a presque pas de structures d’accueil pour les enfants concernés.

La stigmatisation des survivants est aussi fréquente. «Les gens ont peur, dit Roselyn Kabu, travailleuse sociale pour l’ONG Street Child. Normalement, des membres de la famille, des voisins, prendraient en charge ces enfants. Mais Ebola semble avoir détruit tous les mécanismes de solidarité». Les rares actes de bravoure n’en sont que plus remarquables. Quand Malik Sesay a appris la mort de son frère et de sa belle-soeur, il a quitté son village pour venir dans la capitale s’occuper de ses neveux.

«Je ne pouvais pas les laisser seuls dit-il. Ils étaient tous malades. J’ai essayé d’appeler une ambulance, mais on me disait qu’il n’y avait pas de place dans les centres de traitement. Finalement, j’ai mis les deux plus valides dans un taxi pour l’hôpital. Et je me suis occupé des autres ici». Malik enfile des sacs de plastique autour de ses mains et de ses chaussures, et achète des sels de réhydratation et des antibiotiques sur le marché.

«Les voisins me surnommaient Docteur Ebola», raconte-t-il. Encore aujourd’hui, beaucoup refusent de s’approcher de moi ». Malgré ses efforts, le virus emporte quatre enfants. Seule Isha, une petite fille de 11 ans, survit, ainsi que les deux adolescents qui ont pu rejoindre l’hôpital. Yainkain, 17 ans et son frère, Morlai, 13 ans, tiennent leur «certificat de survivant» entre les mains. Ils s’accrochent à ce bout de papier comme s’il s’agissait d’un trésor, preuve qu’ils ont vaincu Ebola. «Je voudrais devenir infirmière, dit Yainkain. Pour pouvoir soigner ma famille si quelqu’un tombe malade». Pour l’instant, toutes les écoles du pays son fermées, et son oncle, père de six enfants, doute de pouvoir payer les études de l’adolescente.

(24 heures)