TURQUIE: Erdogan fait arrêter des journalistes de l’opposition

 

 

La police turque a lancé dimanche une nouvelle opération coup de poing contre les partisans du prédicateur islamiste Fethullah Gülen, rival du président Recep Tayyip Erdogan. Elle a visé notamment le journal Zaman et la chaîne de télévision Samanyolu, proches du religieux.

Ces perquisitions marquent une escalade dans l’offensive menée par le pouvoir contre Fethullah Gülen, un ancien allié qui vit aux Etats-Unis et avec lequel il est en conflit ouvert depuis plus d’un an. Recep Tayyip Erdogan avait annoncé vendredi une nouvelle opération contre les «forces du mal» activées par son ennemi juré depuis son exil.

La police anti-terroriste a mené dimanche matin des opérations dans treize villes de Turquie dont Istanbul. Dans un communiqué, le procureur général d’Istanbul, Hadi Salihoglu, a annoncé que des mandats d’arrêt avaient été lancés contre 31 personnes accusées de vouloir mettre en place «un groupe terroriste», ainsi que de faux et de diffamation.

24 arrestations

Au moins 24 suspects ont été arrêtés, principalement des journalistes, dont Ekrem Dumanli, le rédacteur en chef de Zaman, l’un des grands quotidiens en Turquie, selon les médias. «Ceux qui ont commis des crimes peuvent avoir peur, nous pas!», a lancé le journaliste avant d’être poussé dans une voiture de la police.

Le personnel du journal, rassemblé sur les balcons de l’immeuble, l’a acclamé et applaudi alors qu’il était emmené par les policiers. «On ne peut pas réduire la presse libre au silence!» a scandé la foule dans les locaux du journal, à la périphérie d’Istanbul.

Samedi matin une foule de protestataires rassemblée devant l’immeuble de Zaman avait momentanément empêché l’interpellation d’Ekrem Dumanli, créant la confusion et obligeant la police à quitter l’immeuble sans arrêter aucun des employés du journal.

«Coup d’Etat en cours»

Ce coup de filet a également visé les dirigeants de la chaîne de télévision Samanyolu, dont un directeur, des producteurs et des journalistes. «C’est un spectacle honteux pour la Turquie», a lancé devant la presse le président du groupe, Hidayet Karaca, lui aussi interpellé.

«C’est triste, mais au XXIe siècle, voilà le traitement qu’ils réservent à un groupe de médias qui compte des dizaines de chaînes de télévision et de radio, de médias internet et de magazines», a-t-il ajouté. La chaîne de télévision TRT Haber a par ailleurs rapporté que deux anciens chefs de la police ont été arrêtés.

Réagissant à ces perquisitions, le chef de file du principal parti d’opposition, le Parti républicain du peuple (CHP, laïque), Kemal Kilicdaroglu, a dénoncé «un gouvernement putschiste». «Un coup d’Etat est en cours contre la démocratie», a-t-il dit. Mais pour le ministre de la Santé Mehmet Muezzinoglu, «ceux qui se sont mal conduits doivent payer».

Annoncé via Twitter

L’opération lancée dimanche 14 décembre était attendue depuis plusieurs jours, un compte Twitter particulièrement suivi, qui a averti par le passé de l’imminence d’autres coups de filet, ayant indiqué récemment que la police s’apprêtait à interpeller 400 personnes, dont 150 journalistes considérés comme des soutiens de Fethullah Gülen.

Cette nouvelle opération est la dernière d’une série de vagues d’interpellations depuis juillet. Elle survient un an après le lancement le 17 décembre d’une vaste enquête sur un scandale de corruption qui a conduit à l’arrestation d’une dizaines d’hommes d’affaires et d’hommes politiques, dont les fils de trois ministres du gouvernement Erdogan, alors Premier ministre.

M. Erdogan était parvenu à mettre un coup d’arrêt à cette enquête en procédant au limogeage de milliers de policiers et d’un certain nombre de juges et en faisant adopter des lois renforçant le contrôle de l’Etat sur l’appareil judiciaire et sur internet.

(ats/Newsnet)