PAKISTAN: Un commando taliban fait un carnage dans une école de l’armée à Peshawar

 

 

«Il y a un tas d’enfants cachés sous les bancs, allez les chercher pour les tuer». Sur son lit d’hôpital, Shahrukh Khan, 16 ans, blessé par balles aux deux jambes, est un des rescapés du carnage commis par un commando de neuf talibans contre un établissement scolaire géré par l’armée à Peshawar, au nord-ouest du Pakistan. Au terme d’un assaut de l’armée qui a duré six heures, le bilan officiel est terrifiant: 145 morts dont plus de 130 enfants, pour la plupart âgés de 12 à 16 ans.

«Tuez-les tous!» Cet ordre et les grosses bottes noires qui sont passées tout près de lui, Shahrukh – qui faisait le mort pour échapper aux tueurs – ne les oubliera jamais. «C’était comme si la mort elle-même me traquait», a-t-il raconté aux journalistes dans sa chambre de l’hôpital Lady Reading où 124 blessés ont été transférés au fil de la journée.

Enfants de militaires
Vers 10 h 30, heure locale, le cauchemar a commencé. Six hommes portant uniformes pénétraient par un cimetière voisin dans l’école publique militaire en banlieue de Peshawar, ville toute proche des zones tribales contrôlées par divers groupes djihadistes, en majorité de l’ethnie pachtoune. Ces hommes lourdement armés – et pour certains, portant des ceintures d’explosifs – sont des talibans du groupe Tehrik-e-Taliban Pakistan (TTP).

Passant de salles en salles, les terroristes ont tiré sur les élèves en uniforme scolaire. Ils étaient 500 dans cette école pour enfants de militaires, beaucoup en cours d’examen ou comme Shahrukh, en formation sur ses choix de carrière. L’un des terroristes a actionné sa ceinture, provoquant une déflagration meurtrière.

Les neuf terroristes tués
Une demi-heure après le début de l’attaque, les militaires pakistanais donnaient l’assaut. Les neuf assaillants sont morts, tués par les soldats ou se tuant en déclenchant leurs vestes explosives, au fur et à mesure de leur progression dans la vaste enceinte scolaire. Les derniers terroristes s’étaient réfugiés dans le bâtiment administratif et avaient pris des professeurs et une soixantaine de jeunes en otages. Le général pakistanais Asim Bajwa précisait que l’assaut avait été ralenti car les talibans avaient eu le temps de piéger le site.

Peu après le début de l’opération, le Mouvement des talibans du Pakistan (TTP) revendiquait l’action. «« Ils tuent nos femmes et nos enfants, et nous voulons qu’ils subissent la même douleur que celle que nous ressentons », justifiait son porte-parole, Muhammad Khurasani. Une action «en représailles à l’offensive Zarb-e-Azb, à la vague d’assassinats perpétrée contre les talibans et au harcèlement de leurs proches». Depuis le mois de juin, en effet, l’armée pakistanaise qui avait déjà délogé les talibans du Waziristan du Sud, s’attaque aux zones du nord, le long de la frontière afghane, refuge d’une cohorte de groupes djihadistes dont Al-Qaida, le réseau Haqqani ou divers groupes talibans.

Parmi eux, le TTP est connu pour avoir tenté d’assassiner la jeune Malala d’une balle dans la tête. La jeune fille, Prix Nobel de la paix 2014 réagissait hier en disant qu’elle «avait le cœur brisé par cet acte de terreur insensé, commis de sang-froid à Peshawar». Mardi, les dirigeants du monde condamnaient l’attentat «odieux».

Créé en 2007, le TTP qui regroupe une kyrielle de factions islamistes combattantes avait déclaré la guerre au gouvernement pakistanais. Le TTP s’est à de nombreuses reprises attaqué à des écoles et aurait fait quelque 7000 morts. En 2009, ces talibans avaient été délogés de leur fief du Sud-Waziristan. Et leur chef, Hakimullah Mehsud, originaire de la tribu pachtoune qui fait l’épine dorsale du mouvement, avait été tué par un drone américain en novembre 2013. Islamabad avait condamné cette exécution qui intervenait alors que le gouvernement tentait de négocier un processus de paix. Comme celui engagé dans le pays voisin, en Afghanistan.

Depuis la mort de son leader, ce groupe classé terroriste par les Etats-Unis en 2010 est affaibli et en proie à des dissensions grandissantes. L’un de ses commandants, Khan Said est entré en dissidence en mai, créant le Jamaat ul-Ahrar. Et en octobre, le TTP annonçait le limogeage de son porte-parole, Shadidullah Shahid, qui a affirmé son soutien au groupe Etat islamique (Daech), alors que le TTP a fait allégeance au mollah Omar, le chef des talibans afghans.

(24 heures)