POLITIQUE: En Croatie, les candidats évitent le sujet qui fâche

 

 

La corruption, tabou de la présidentielle croate? Depuis le lancement officiel de la campagne, le 9 décembre, les principaux candidats évoquent le sujet du bout des lèvres. Les deux partis historiques, la gauche social-démocrate (SDP), et la droite de l’Union démocratique croate (HDZ) sont en délicatesse sur cette thématique électorale.

L’actuel président Ivo Josipović (SDP), en lice pour sa réélection, avait inscrit au cœur de son dernier quinquennat le projet d’«une nouvelle justice». Mais son bilan est contrasté. «C’est un concept flou et vide. Cela ne veut pas dire grand-chose», analyse Berto Šalaj, docteur en sciences politiques à la faculté de Zagreb. Surtout depuis les changements constitutionnels de 2001, le président de la République a des pouvoirs limités: sécurité, défense nationale, et politique étrangère. «Si on se réfère à la Constitution, le président n’a pas vraiment les coudées franches pour influer sur le système judiciaire en Croatie», précise Višeslav Raos, chercheur en sciences politiques à l’Université de Zagreb. Selon le dernier indice de la perception de la corruption publié par Transparency International, la Croatie figure au 24e rang parmi les 28 membres de l’Union européenne. Pour défendre son mandat, Ivo Josipovi relativise: «Bien sûr, il y a toujours des faiblesses. Mais il y a des preuves évidentes d’un changement. Où est l’ancien premier ministre Ivo Sanader? Il est en prison (ndlr: condamné en 2012 et 2014 à neuf et dix ans de prison pour corruption).

Pour son principal adversaire, Mme Kolinda Grabar-Kitarovi (HDZ), la corruption est aussi un sujet épineux. Son parti, l’Union démocratique croate, se remet tout juste de la chute de son ancien mentor Ivo Sanader. Surtout, elle fut son ancienne ministre des Affaires étrangères et de l’intégration européenne entre 2005 et 2008. «Il est difficile pour elle de s’avancer sur la question de la corruption. Elle essaie de se distancier de cette image. Mais elle ne peut solder l’héritage de sa formation politique condamnée pour corruption au début de l’année», remarque Višeslav Raos. Sur les vingt-sept pages de son programme intitulé «Plateforme pour une meilleure Croatie», un seul point seulement concerne la corruption. «Kolinda parle peu ou pas de la corruption. Elle concentre ses attaques sur les SDP et sur le bilan du président», confirme Davor Djenero, éditorialiste politique à Al-Jazeera Balkans.

Parmi les quatre prétendants à la présidentielle, le jeune candidat Ivan Sinci, 24 ans, fait de la corruption son cheval de bataille. Avec son parti, le «bouclier humain», il a multiplié les actions coups-de-poing devant les principales institutions du pays qu’il juge corrompues. Notamment la Banque nationale croate et l’entreprise nationale d’hydrocarbure INA. «Ivo et Kolinda sont superficiels sur la question de la corruption. Ce sont des menteurs! Mon but est de libérer le pays de ce fléau», s’emporte Ivan Sinci.

Quant au dernier candidat de la droite nationaliste, Milan Kujundži, il a exhorté le peuple croate, lors du premier débat télévisé dimanche dernier, à «choisir entre rester prisonnier de la caste au pouvoir ou élire un nouveau visage». Selon les derniers sondages, le président Josipovic sortirait, le 28 décembre, en tête du premier tour, avec 46% des suffrages.

(24 heures)