MIGRANTS EN MÉDITERRANÉE: Les navires fantômes, fléau des secours italiens

 

Deux jours après avoir dû secourir un bateau comptant près de 800 Syriens à bord et qui faisait route vers les Pouilles, officiellement sans équipage, la marine italienne a encore dû batailler ces dernières heures pour prendre le contrôle d’un autre cargo à la dérive. L’Ezadeen, conçu pour le transport des animaux, était parti de Tartous en Syrie, et transportait 450 personnes dont des enfants et des femmes enceintes. On l’a retrouvé voguant en panne de carburant, au large de la Calabre.

L’alerte avait été donnée jeudi soir. Selon les gardes-côtes italiens, le navire battant pavillon sierra-léonais voguait sans équipage, dans une météo exécrable, rendant les opérations de secours urgentes. «Si l’on n’intervient pas rapidement, on risque l’hécatombe», analysait jeudi soir un secouriste, craignant que l’embarcation, longue de plus de 70 mètres, ne se fracasse sur les récifs. Un bateau de l’agence européenne Frontex avait pu s’approcher du cargo, naviguant en parallèle, mais il était impossible de procéder à un abordage, à cause d’une mer démontée.

Hélitreuillage

L’aéronavale italienne a alors recouru à un hélicoptère pour déposer à bord six garde-côtes ayant pour mission de reprendre la maîtrise du navire, tandis que l’agence Frontex faisait hélitreuiller trois médecins. Vendredi en milieu de matinée, les autorités annonçaient que le bateau était sous contrôle et faisait route vers le port calabrais de Corigliano Calabro où il était attendu vers minuit..

Ce nouveau cas survient après l’interception, mardi, d’un cargo transportant 760 personnes fuyant la Syrie, selon un scénario similaire. Ce bateau battant pavillon moldave avançait à pleine puissance en direction de la pointe sud des Pouilles lorsque les garde-côtes italiens ont reçu un message d’alerte, laissant entendre que «l’équipage avait fui», et que le bateau naviguait sans aucun contrôle.

A vrai dire, selon les faits révélés par l’enquête, les membres d’équipage n’avaient pas réellement déserté. A l’arrivée des secours italiens, ils ont tenté de se dissimuler parmi les migrants dans le but d’échapper aux poursuites judiciaires. Après l’interception réussie du navire, conduit depuis dans le port de Gallipoli, au sud-ouest des Pouilles, le commandant et trois membres d’équipage ont été arrêtés.

Le cargo sierra-léonais intercepté hier matin a-t-il été, lui, réellement abandonné par son équipage? «Nous sommes seuls, il n’y a personne, aidez-nous», a déclaré au moyen de la radio du navire une migrante aux garde-côtes italiens. Seule l’enquête pourra déterminer les faits exacts.

Un business très juteux

En attendant, l’Italie s’inquiète devant le constat que des bateaux de plus en plus gros servent au transport des migrants. «Des embarcations en fin de vie, achetées 100 à 150 mille dollars, servent à transporter des Syriens qui ont les moyens de payer 6000 dollars la traversée», expliquait hier dans La Repubblica l’amiral Giovanni Pettorino, responsable des opérations des garde-côtes. Un voyage avec 800 migrants à bord peut rapporter ainsi 5 millions de dollars. Au vu du rapport entre investissement et bénéfice, les trafiquants abandonnent sans scrupule leur rafiot et ses occupants en pleine mer, les laissant voguer à la dérive.

(24 heures)