La Syrie est en plein «désastre médical»

 

«La situation est insupportable, catastrophique, et de nombreuses parties de la Syrie n’ont plus de présence médicale», a lancé le Dr Oubaida Al Moufti, un médecin franco-syrien membre de l’Union des organisations syriennes de secours médicaux (UOSSM), lors d’un point-presse lundi soir 6 janvier au Quai d’Orsay. L’UOSSM, un réseau médical interne et externe à la Syrie, est soutenu notamment par Paris.

A Alep, la deuxième ville du pays, seuls cinq hôpitaux fonctionnent, dont trois partiellement, dans la partie orientale sous contrôle de l’opposition. Quelque 360’000 personnes y vivent, encerclées par les forces du régime.

«Il n’y a plus que 30 médecins toutes spécialités confondues. Outre les blessés de guerre, nous voyons réapparaître des maladies comme la polio, la tuberculose, la gale ou la typhoïde», a raconté un médecin d’Alep. Celui-ci s’est présenté sous le simple prénom d’Abdelaziz, pour des raisons de sécurité.

Accouchements à domicile

Un autre professionnel a décrit une situation «insupportable» dans la Ghouta orientale, dans la banlieue de Damas, une zone encerclée depuis deux ans par les forces loyalistes. Il n’y a là «aucune possibilité de faire entrer de l’aide humanitaire».

Dans les zones tenues par les djihadistes du groupe État islamique (EI), «les médecins peuvent travailler, mais ils n’ont aucun soutien des ONG puisqu’elles ont toutes quitté ces territoires», a décrit l’un d’eux. Ainsi, à Raqqa, bastion de l’EI dans le nord de la Syrie, où vivent 1,6 million d’habitants, «il n’y a aucun service d’obstétrique, de gynécologie ou de pédiatrie».

Selon le Dr Al Moufti, 80% des accouchements en Syrie se font désormais à domicile. En outre, une grande partie des enfants ne sont plus vaccinés.

250 médecins tués

Les médecins de l’UOSSM, qui compte plus de 300 postes médicaux et 12 dispensaires sur tout le territoire, tentent de travailler dans toutes les zones, qu’elles soient tenues par les forces de Damas, l’opposition, ou les djihadistes de l’EI. «Nous sommes neutres. Mais nous subissons la violence de tout le monde, et personne n’a aucune garantie de quiconque», ont-ils expliqué.

L’UOSSM dispose d’une liste de 250 médecins tués depuis trois ans.

«Cette guerre fait des dégâts et des morts civils – entre trente et soixante – tous les jours», a rappelé le Dr Tawfik Chamaa, représentant de l’UOSSM en Suisse. Il a dénoncé «le silence» international sur les souffrances quotidiennes des Syriens.

«On ne parle plus dans les médias que d’extrémisme et de Daech (le groupe EI). Mais pas des femmes et des enfants tués, des corps déchiquetés, des ventres ouverts, ce que l’on doit gérer au quotidien en tant que médecin», s’est-il indigné.

Le régime épargné

La guerre en Syrie a fait plus de 200’000 morts depuis mars 2011, plus de trois millions de réfugiés et 6,5 millions de déplacés.

Depuis septembre 2014, une coalition internationale conduite par les États-Unis mène des frappes contre les djihadistes de l’EI, mais sans toucher aux forces du régime de Damas. Celui-ci considère comme «terroristes» toutes les forces de l’opposition.

(ats/Newsnet)