Le sort d’un tétraplégique aux mains de la justice

 

Le sort de Vincent Lambert, tétraplégique plongé dans un état végétatif, est entre les mains de la Cour européenne des droits de l’Homme. Ce cas déchire sa famille et a relancé outre-Jura l’épineux débat sur la fin de vie.

Victime d’un grave accident de la route en 2008, Vincent Lambert souffre de lésions cérébrales irréversibles. Après s’être déchirés dans les prétoires français, les protagonistes de cette affaire se sont retrouvés pour une audience, ouverte par les juges européens. Ces derniers trancheront définitivement d’ici un à deux mois.

Depuis un an, l’épouse du tétraplégique, appuyée par les médecins et par six des huit frères et sœurs de son mari, souhaite le «laisser partir». Mais les parents de Vincent, profondément catholiques, s’y opposent.

Ce sont eux, ainsi qu’une sœur et un demi-frère de Vincent Lambert, qui ont saisi les juges de Strasbourg. Ils contestent la décision prise en juin par la plus haute juridiction administrative française, le Conseil d’État, d’autoriser l’arrêt de l’alimentation et de l’hydratation artificielles du patient.

Procédure accélérée

Leur requête a conduit la Cour européenne à suspendre dans l’urgence l’application de cette décision, le jour où elle a été prise, le temps de mener sa propre procédure.

D’ordinaire, cette dernière peut durer plusieurs années, mais la Cour européenne a accéléré le rythme pour cette affaire qui concerne la vie d’un homme.

Son instance suprême, la Grande chambre, doit se prononcer sur la conformité de la décision de la juridiction française avec la Convention européenne des droits de l’Homme.

«Obstination déraisonnable»

En France, le Conseil d’État avait jugé que la décision d’arrêt des traitements, prise par les médecins avec l’accord de l’épouse, était conforme à la législation nationale sur la fin de vie. Il avait considéré qu’un maintien en vie constituerait une «obstination déraisonnable», compte tenu du caractère irréversible de l’état végétatif de Vincent Lambert et d’un mauvais pronostic clinique.

Il s’était aussi appuyé sur la volonté exprimée avant son accident par Vincent Lambert, selon sa femme, de ne pas être maintenu artificiellement en vie s’il se trouvait dans un état de grande dépendance. Rachel Lambert, 33 ans, appelle à «laisser partir» son mari pour «respecter celui qu’il était».

«Euthanasie déguisée»

Mais les parents de Vincent Lambert n’en démordent pas et dénoncent une «euthanasie déguisée»: leur fils n’avait pas rédigé de directives anticipées, soulignent-ils. «J’espère que la CEDH va pouvoir arrêter cette folie, Vincent n’est pas en fin de vie, il est handicapé», a dit Viviane Lambert, à son arrivée à Strasbourg mardi soir.

«On veut nous faire dire qu’on ne veut pas qu’il parte, mais ce n’est pas du tout ça, on ne veut pas qu’on le supprime», a martelé Vincent Lambert, catholique traditionnaliste. Elle récuse toutefois tout lien de sa position avec sa foi.

Pour l’avocat des parents Lambert, Me Jean Paillot, Vincent «irait mieux s’il était mieux pris en charge». Devant le CEDH, il fait notamment valoir des violations du «droit à la vie» et de l’interdiction de «traitements inhumains ou dégradants» pour faire condamner la France.

Trois pays

L’«affaire Vincent Lambert» a contribué à relancer en France le débat sur la fin de vie. Une discussion sans vote doit avoir lieu sur ce thème le 21 janvier à l’Assemblée nationale. Une proposition de loi pourrait suivre à une date non encore précisée.

L’euthanasie n’est formellement légale en Europe que dans trois pays: Pays-Bas, Belgique, Luxembourg. D’autres autorisent ou tolèrent une forme d’aide à la mort, notamment la Suisse qui a légalisé le suicide assisté.

(ats/Newsnet)