ATTENTAT À PARIS: Les caricatures de Mahomet, symbole de liberté ou injure

 

Ce sont douze caricatures de Mahomet qui avaient suscité des manifestations hostiles dans le monde musulman en 2005 et 2006. A l’origine de l’affaire se trouve le journal conservateur danois Jyllands-Posten qui passe commande en septembre 2005 de dessins du prophète Mahomet à la fédération des dessinateurs indépendants du Danemark. Cette initiative éditoriale est une réponse aux obstacles et menaces rencontrés par l’écrivain Kare Bluitgen voulant illustrer son livre pour enfants consacré au prophète de l’islam.

Quarante auteurs sont été contactés par le journal. Douze seulement répondent en envoyant leurs dessins, malgré leurs craintes devant de vives réactions d’extrémistes musulmans. Ces caricatures sont publiées par le journal danois le 30 septembre 2005.

Un procès, un incendie criminel

Ces dessins devinrent très vite un emblème de la liberté d’expression dans le monde, et pas seulement en Occident. En janvier 2006, le titre norvégien Magazinet fait exploser son audience en étant un des premiers journaux européens à republier les dessins. Ces images,Charlie Hebdo les publie à son tour en février 2006, suivi par nombre de titres dans le monde. Poursuivi en justice pour «injure aux musulmans», l’hebdomadaire satirique français est relaxé deux ans plus tard par les juges de la 17e Chambre du Tribunal de grande instance de Paris, spécialisée dans les délits de presse, estimant que ces dessins «visaient une fraction» extrémiste, les terroristes en l’occurrence, «et non l’ensemble des musulmans».

En novembre 2011, malgré des menaces répétées, l’hebdo français republie ces caricatures dans un numéro spécial baptisé Charia Hebdo et diffusé à 400’000 exemplaires après plusieurs retirages. Le jour de la sortie du journal, ses locaux sont détruits par un incendie criminel. La même année et en 2012, le site internet du journal est aussi la cible de cyberattaques et d’un piratage massif, faisant figurer une photo de La Mecque sur la page d’accueil de Charlie.

Deux mois après le journal danois, le journal égyptien Al Fagr publie à son tour six des dessins, sans aucune réaction de la part des autorités politiques ou religieuses du pays. La réaction violente dans les pays musulmans partira du Pakistan, foyer d’un islamisme radical, où le groupe Jamaat-e-islami met à prix la tête des dessinateurs danois pour 500’000 roupies (5000 francs). L’Arabie saoudite et les Emirats boycottent dans la foulée les produits danois. Des drapeaux du royaume nordique, de la Norvège et de la France sont brûlés lors de manifestations en Turquie ou en Cisjordanie courant 2006.

Les démonstrations plus ou moins pacifiques de quelques dizaines ou centaines de personnes se multiplient alors un peu partout dans le monde pour dénoncer ces fameuses caricatures de Mahomet. Sous pression, le journal danois présente alors ses excuses aux musulmans dans une lettre transmise à la presse algérienne par l’intermédiaire de l’ambassadeur danois à Alger. Le journal publie aussi ce texte en arabe sur son site en février 2006. Le responsable de la rubrique culturelle à l’origine de l’appel aux dessinateurs est mis au vert pour une durée indéterminée par la rédaction du journal.

Bras de fer à Genève

Ce mercredi, à la suite de l’attaque du siège de Charlie Hebdo, la sécurité des locaux du premier éditeur des caricatures – le Jyllands-Posten, qui a son siège à Viby et des bureaux à Copenhague – a été renforcée.

L’affaire des caricatures a eu son écho aussi en Suisse. A Genève, l’Organisation de la conférence islamique (OCI) avait essayé de faire adopter par le Conseil des droits de l’homme, qui siège dans la Cité de Calvin, un texte interdisant la diffamation des religions et tout spécifiquement la critique de l’islam. Une résolution allant dans ce sens avait été votée en mars 2011. A l’issue d’âpres négociations, les pays arabes avaient finalement renoncé à leur démarche qui visait à faire adopter le délit de blasphème. Les pays européens avaient, avec les Etats-Unis, pesé de tout leur poids pour bloquer le texte initial. A l’époque, les ONG, les intellectuels, les universitaires mais aussi des dessinateurs de presse, dont ceux de Charlie Hebdo, s’étaient également mobilisés contre ce projet.

(24 heures)