Fatoumata soumaré, élève en classe de terminale L’1: “mes problèmes de vision ont brisé mon rêve de devenir médecin

 

A 20 ans, Fatoumata Soumaré, jeune fille albinos, élève en classe de terminale littéraire dans la commune de Tambacounda, semble porter, à elle seule, le combat de toute sa communauté. La lutte pour la reconnaissance des droits de ses pairs est devenue chez elle un sacerdoce malgré son jeune âge.

Sa voix grave et l’intensité de son intonation traduisent un engagement dont elle est la seule à détenir le secret. Fatoumata Soumaré, 20 ans, élève en classe de Terminale L’1, est un modèle de courage et de combativité dans la ville de Tambacounda où elle habite.

Cette jeune femme albinos est devenue aujourd’hui l’idole de toute une communauté. Cela, grâce à la grande détermination dont elle fait montre pour la défense des droits de ses pairs.

Son objectif : s’engager dans la promotion de sa minorité qui se retrouve très souvent confrontée à la marginalisation et à la discrimination du fait des fausses croyances d’une société encore ancrée dans ses us et coutumes. Un combat qu’elle porte avec sérénité et une force de caractère étonnante.

Souriante, dynamique, ouverte et cultivée, cet « enfant de l’ombre » n’est pas du lot de ceux qui capitulent face à la force du destin. «Nous rencontrons une réelle difficulté pour aller et rester à l’école du fait de nos problèmes de vision. La plupart du temps, les enfants qui souffrent d’albinisme sont obligés d’arrêter leurs

études très tôt», regrette-t-elle. D’après cette jeune femme, ils sont plusieurs dizaines d’albinos dans la région à vivre cette réalité qui constitue aujourd’hui une contrainte à leur réussite scolaire.

« Nous vivons dans une société où toutes les dispositions n’ont pas été prises pour permettre à tous les enfants d’avoir un accès équitable à l’éducation. La manière dont les écoles ont été construites en dit long sur cette injustice», se désole-t-elle.

Aînée d’une fratrie, Fatoumata Soumaré bénéficie tout de même d’un environnement familial propice à son épanouissement. Elle est aimée de ses parents et de ses frères et sœurs.

Studieuse, elle passe une bonne partie de son temps dans sa petite chambre en paille où est aménagé un lit en bois rouge qu’elle partage avec sa sœur. Mlle Soumaré, dont le seul souhait est de vivre sa vie comme les autres, a du batailler ferme pour conquérir la place qui lui revient aujourd’hui.

Elle a du fermer les yeux sur certaines railleries pour en arriver là. Un vrai combat qui demande une force mentale remarquable. La jeune femme garde encore en mémoire les

quolibets qu’elle a endurés jusqu’ici et qui ont fait d’elle une fille forte et consciencieuse. « A l’école ou dans le quartier, il arrivait dès fois, du fait de certaines fausses croyances, que des gens me crachent dessus. Cela, disent-ils, permettrait d’éviter à leur maman d’avoir un enfant albinos », se rappelle-t-elle d’une voix triste exprimant toute sa peine.

A l’entendre évoquer une partie de ces expériences personnelles, une certaine souffrance se lit sur son visage malgré sa force de caractère et sa volonté d’aller de l’avant.

Si Fatoumata fait partie des rares albinos à atteindre la classe de Terminale, elle a toutefois vu son rêve de devenir médecin fondre comme du beurre au soleil à cause de ses problèmes de vision.

« Avec nos difficultés de vision, nous sommes forcés de choisir les matières littéraires où l’on sera beaucoup plus à l’aise. Mon ambition était de faire des études scientifiques afin de devenir médecin, mais mon handicap ne m’a pas permis de réaliser ce rêve», confesse-t-elle.

Son corps, d’une telle minceur, renseigne sur la fragilité de son état de santé. Le strabisme de ses yeux lui donne un regard rêveur, perdu. Malgré son handicap, Fatoumata est une jeune fille comme toutes les autres.

Elle aime la philo, particulièrement Socrate. Et ce n’est pas un hasard car pour le philosophe le fond doit primer sur la forme, et la rhétorique n’est rien face aux idées et aux valeurs.

En attendant, le quotidien de la jeune femme reste partagé entre les études et la défense de sa communauté qui continue encore de vivre dans l’ombre de la société.

LESOLEIL