Le peuple de Paris se revendique «en résistance»

 

Place de la République, hier en début de soirée. Ils sont combien, les Parisiens? Vingt. Trente mille… Ils sont nombreux, au coude à coude. La place, symbole de la France révolutionnaire, est noire de monde. Elle a été bouclée à la circulation. Tout d’abord règne un silence lourd et inhabituel alors que les drapeaux de différents syndicats, partis politiques et associations qui ont appelé au rassemblement flottent dans le vent froid de janvier. Des bougies et des lanternes illuminent le soubassement de pierre qui porte le bronze monumental de Marianne. Dix mètres de bronze majestueux qui regarde la ville de toutes les libertés. Et cette masse humaine de Parisiens venus exprimer leur solidarité. Ils sont nombreux à porter à bout de bras les affichettes noires: «Je suis Charlie».

Et puis, comme un enthousiasme se fait entendre. Un jeune intrépide escalade le monument et va ceindre d’un brassard noir, signe de deuil, l’allégorie de la liberté, l’une des trois statues latérales du monument. D’abord des applaudissements. Et puis des slogans sont repris en chœur par la foule immense, et visiblement émue… «Charlie! Charlie! Charlie!» C’est ensuite, «liberté d’expression!» qui est entonnée avec force mais sans rage. Quelques escarmouches de-ci de-là. Une Marseillaise s’éteint rapidement alors qu’on entend un «Ça suffit la patrie! Tu vois où elle nous mène!» Des «SVP, dignité!» ramènent le calme avant qu’une nouvelle salve d’applaudissements jaillisse de la foule tandis qu’un groupe de manifestants fait défiler de grosses lettres enluminées qui écrivent: «NOT AFRAID!» La formule plaît et c’est un «Même pas peur!» qui est scandé par la marée humaine, dont une partie se met ensuite en mouvement vers l’Hôtel de Ville de Paris en une marche silencieuse. Et les mots d’ordre, spontanés ou préparés, qui traversent la foule, rappellent comme une évidence ce peuple de Paris qui se sait porteur d’un héritage, d’une histoire à nulle autre pareille… Ils disent: «Nous ne sommes pas dans le deuil, nous sommes dans la résistance!»

Dans les autres villes de France, des centaines de rassemblements de soutien ont également été dénombrées. A Toulouse, on avance le chiffre de 10 000 personnes. 15 000 à Lyon. 15 000 également à Rennes. A Marseille, le Vieux-Port était bondé. A Nantes, Grenoble ou encore Strasbourg, les manifestants se comptent aussi en milliers. Au total plus de 100 000 Français sont descendus hier dans les rues pour rendre hommage aux victimes de l’attentat commis dans les locaux de Charlie Hebdo. Dès aujourd’hui, décrété journée de deuil national, et ces prochains jours, de nouveaux rassemblements républicains sont annoncés aux quatre coins de la France. Samedi notamment, c’est à Paris qu’une «grande marche républicaine» aura lieu. Le premier ministre Manuel Valls a d’ores et déjà convié le président de l’UMP Nicolas Sarkozy à se joindre à lui en tête du cortège. La France veut se montrer unie dans l’horreur terroriste qui la touche de plein fouet.

(24 heures)