Attentat contre Charlie Hebdo: L’union nationale n’a pas duré plus d’un jour

 

Frappés sur leur sol, attaqués sur leurs valeurs, les Français ont réagi par une belle unanimité par des rassemblements spontanés, mercredi. Dans son rôle, le président de la République en appelait le soir même à l’union nationale. Cette unanimité s’est manifestée hier par une coprésidence droite et gauche de la séance au Sénat, ou par des Marseillaise, entonnées par des parlementaires de tous bords dans la cour du palais Bourbon.

Mais cette union nationale n’a pas duré plus de 24 heures. L’intégration du Front national dans le défilé républicain organisé dimanche a suscité les premières divisions. La maire socialiste de Paris, Anne Hidalgo, estimait que le FN ne respectant pas les valeurs de la République, n’y avait pas sa place. Un des quatre porte-parole du PS jugeait au contraire qu’il ne fallait exclure personne. L’invitation du Front national à la réunion d’organisation de ce défilé, demain, serait évidemment un événement politique. Le premier ministre ne l’a pas voulu. «Une grande partie de la classe politique et des institutions traite le FN comme s’il n’était pas un parti légal. Or, il l’est. L’inviter, ce serait donner du sens à l’expression union nationale», note Bruno Tertrais, politologue et maître de recherches à la Fondation pour la recherche stratégique, contacté par la Tribune de Genève.

Pour Eric Coquerel, du Front de gauche, c’est non: «On ne doit pas faire une manifestation qui serait contraire aux valeurs de Charlie Hebdo». Un FN «très positionné sur islam et sécurité pose évidemment problème», note Jérôme Sainte-Marie, de l’institut d’enquête d’opinion CSA. Le socialiste Rihan Cypel faisait, lui, la différence entre le parti et son électorat, et s’inquiétait plutôt de savoir ce que Marine Le Pen allait dire dans les jours et semaines qui viennent. La présidente du Front national n’a pas tardé à instrumentaliser l’attentat au profit de ses thématiques de campagne. «Le temps du déni, de l’hypocrisie, n’est plus possible. Cet attentat doit libérer la parole face au fondamentalisme islamique.» Et la fille de Jean-Marie Le Pen de rappeler que «présidente, elle organiserait un référendum sur le rétablissement de la peine de mort».

«Heureusement qu’il n’y a pas d’élection dans quinze jours», s’exclame le politologue Bruno Tertrais, interrogé sur l’impact politique de cet attentat. «Si c’était le cas, le vote serait coloré de façon irrationnelle. Les électeurs s’exprimeraient sous le coup de l’émotion», remarque-t-il. Et à long terme? «Cela dépendra des suites immédiates de l’attentat. Si d’autres actions terroristes ou exactions graves contre des mosquées interviennent, cela va durcir le débat. Si cela s’apaise, d’un mal peut sortir un bien. Sur la détermination des Français quant à leurs valeurs communes. Et sur leur perception de la communauté musulmane qui, à 99,9% ne s’identifie pas à ce qui s’est passé hier.» L’Union des organisations islamiques de France (UOIF, proche des Frères musulmans) et le conseil du culte musulman appelaient «les citoyens de confession musulmane à rejoindre massivement la manifestation».

(24 heures)