Asie du Sud: L’outsider Sirisena défait le président sortant au Sri Lanka

 

L’ancien ministre Maithripala Sirisena a été intronisé vendredi président du Sri Lanka après sa victoire spectaculaire face à l’ex-homme fort du pays Mahinda Rajapakse, accusé de corruption et d’autoritarisme pendant la campagne.

Sirisena a prêté serment quelques heures après que Mahinda Rajapakse eut reconnu sa défaite et déclaré qu’il s’inclinait devant la volonté du peuple qui par ce scrutin, le plus serré que le Sri Lanka ait connu depuis des décennies, a décidé de ne pas renouveler son mandat, après dix ans au pouvoir.

Il s’agit d’un résultat surprise alors que Rajapakse était donné largement favori au moment de convoquer ce scrutin anticipé en novembre.

Ancien ministre de la Santé

Maithripala a d’ores et déjà déclaré qu’il tenterait d’améliorer ses relations avec la communauté internationale, mises à mal, en raison du manque de coopération de Colombo dans les enquêtes sur les crimes de guerre présumés du régime pendant le conflit tamoul.

«Nous mènerons une politique extérieure qui va réparer nos liens avec la communauté internationale et toutes les organisations internationales de manière à en retirer tout le bénéfice possible pour notre peuple», a-t-il annoncé.

Sirisena, ancien ministre de la Santé de Rajapakse, a remercié son rival, estimant qu’il avait «ouvert la voie à une élection qui m’a permis de devenir président». La commission électorale a déclaré Sirisena élu avec 51,28% des voix, contre 47,58% pour le président sortant.

«Une nouvelle culture politique»

Le secrétaire d’Etat américain John Kerry a salué la décision de Rajapakse de reconnaître rapidement sa défaite et s’est dit impatient de travailler avec le nouveau chef de l’Etat.

L’ancien ministre, qui a réussi à souder derrière sa candidature une opposition auparavant fragmentée, doit prêter serment à 18H00 (12H30 GMT) à Colombo. Ranil Wickremesinghe, qui devrait être choisi comme nouveau Premier ministre par M. Sirisena, s’attend à une passation de pouvoir fluide avec l’équipe précédente.

«La population veut une nouvelle culture politique», a-t-il dit, précisant que Rajapakse et Sirisena se sont parlés par téléphone.

Le président sortant a eu une rencontre «très émouvante» vendredi avec ses ministres après avoir reconnu sa défaite, a indiqué un parlementaire de son parti, le Sri Lanka Freedom Party.

Promesses de réformes

Sirisena a promis de réformer profondément le fonctionnement de la présidence et de transférer nombre de ses pouvoirs exécutifs au Parlement.

Le président élu a su capter une vague de ressentiment contre Rajapakse, qui a réécrit la Constitution après sa réélection en 2010 pour lever la limite de deux mandats présidentiels et s’attribuer de nouveaux pouvoirs, au détriment de la fonction publique et de la justice.

Pendant la campagne, Sirisena a exhorté le président sortant à modifier son mode de pouvoir au risque sinon de voir monter les protestations.

«Il a conduit le pays sur une voie dangereuse menant à la destruction», disait-il, promettant «une révolution constitutionnelle» en cas d’élection.

Echec dans la réconciliation

Fort de la victoire militaire face aux Tigres tamouls en 2009, Rajapakse avait remporté peu après en 2010 une victoire électorale triomphale. Mais il n’a pas été capable ensuite de sceller la réconciliation avec la minorité tamoule, d’après ses détracteurs.

Son deuxième mandat a en outre été terni par des accusations de corruption ayant miné l’indépendance de la justice, et des soupçons d’enrichissement illicite de responsables politiques proches de lui.

Pour tenter de regagner en popularité, il avait pris des mesures spectaculaires, comme la réduction des prix de l’essence, des tarifs de l’électricité et de l’eau, et la hausse des salaires de 1,6 million de fonctionnaires.

Mais la défection surprise de son ministre de la Santé a galvanisé l’opposition, donnant lieu à une campagne acharnée et sans concession.

Le pape François attendu le 13 janvier

Jusque-là, le ministre de la Santé était assez méconnu. Les partis d’opposition, dont le principal parti tamoul, s’étaient ainsi ralliés à cet agriculteur de 63 ans reconverti à la politique, originaire de la majorité cinghalaise.

Le nouveau président soutient fermement l’orientation du principal parti de centre droit, partisan d’une politique de soutien aux investissements et du libre marché.

Les analystes estiment cependant que Sirisena doit faire face au défi considérable d’unir une coalition de pouvoir allant de la droite aux marxistes.

Cette élection survient avant une visite dans le pays du pape François à partir du 13 janvier, qui devrait être centrée sur la réconciliation.

(smk/afp/Newsnet)