
Député PS de l’Essonne, Malek Boutih (50 ans) vient de ces territoires difficiles où naît souvent le jihadisme. Depuis l’attaque de Charlie Hebdo, le fondateur et ancien président de SOS Racisme est sur tous les fronts médiatiques. Ce fils d’immigrés algériens, qui a combattu au sein du PS la discrimination positive tout comme il a pris position dans les banlieues contre le communautarisme, se bat avec une énergie rare pour faire entendre la voix du «sursaut républicain». Interview.
M. Malek Boutih, après les attentats la France est-elle à ce point meurtrie qu’elle a besoin d’un «rassemblement républicain» aujourd’hui dimanche?
Aujourd’hui, on va voir la France debout, ensemble. Sans parti politique, sans clivage culturel, sans origine sociale… Ce qui fait la permanence de l’histoire de notre pays, c’est l’histoire de la république. Ce rassemblement est le plus grand sursaut républicain depuis extrêmement longtemps. Les répercussions de ce qui est en cours sont incalculables.
Etes-vous toutefois inquiet face aux réactions islamophobes constatées depuis l’attentat deCharlie Hebdo?
Elles existent mais elles sont marginales. Je constate surtout un comportement extrêmement digne et fort de la société française. Tout le monde a compris que la ligne de confrontation ne se situe pas entre les cultures, mais entre la démocratie et ces gens-là: les islamo-nazis.
Vous évoquez, certes pour le réfuter, le choc des cultures. Etre d’origine musulmane, vous contraint-il davantage à prendre la parole en ces circonstances? Ou au contraire, cette pression vous incommode-t-elle?
Il n’y a pas de tabou. Je suis personnellement athée. Mais il est vrai qu’aujourd’hui, on demande sa religion, ou sa culture religieuse d’origine, à tout le monde. Alors que dans un pays laïc, cela ne devrait pas entrer en ligne de compte. Mais c’est comme ça… Par contre, de par mon parcours comme fondateur et ex-président de SOS Racisme et mon travail dans les banlieues, je me dois de témoigner, de prendre la parole, de m’engager. C’est ce rôle de citoyen et d’élu national, un parmi les autres, que je compte tenir. Ni plus ni moins.
Ne craignez-vous réellement pas les amalgames et les tensions qui pourraient survenir suites à ces attentats?
Je ne vais pas tenir un discours langue de bois. Evidemment que je les redoute… Mais je constate que tout le monde pensait que ça allait exploser – c’est ce que recherchaient les terroristes – et que ce n’est pas le cas. La réaction de mes compatriotes est extrêmement digne et responsable.
A l’heure du mea culpa général, certains fustigent le rôle des médias mais aussi des politiques dans la mise en exergue des fractures de la société française. Vous en êtes?
C’est dans les moments de vérité qu’on voit la force de la démocratie. Et aujourd’hui ce qui est exprimé, c’est la solidarité. Il y a un temps pour tout. Laissons passer l’émotion et le choc. Mais constatons que toutes les institutions décriées depuis si longtemps – la classe politique, la presse, la police – ont démontré qu’elles sont dignes de confiance. Elles ont fait face! Malgré l’attaque terroriste, nous n’avons pas basculé. Ensuite, il y aura le temps du bilan. Et j’espère qu’en France, on pourra continuer à parler de tout, à se confronter, à débattre, à ne pas être d’accord entre nous.
Avec la mise à l’écart du FN (volontaire ou involontaire) la grandeur du grand rassemblement républicain est tout de même écorné!
Cela n’a aucun impact. Car aucun Français n’est exclu. Les partis ne décident de rien, c’est le peuple qui s’exprime. C’est lui qui décide de l’union nationale. Il se passe quelque chose de l’ordre de la prise de conscience qu’aucun parti, y compris le mien, ne peut revendiquer. C’est au-delà de l’émotion!
De quoi parlez- vous?
On dit que c’est au pied du mur qu’on juge le maçon. Je crois que la société française est en train de décider de vivre ensemble. Cela ne signifie pas que tous les problèmes vont être réglés et que tout le monde va s’aimer béatement. Mais l’état d’esprit a changé. Face à ce modèle islamo-nazi, à cette haine de la démocratie et de ses valeurs, chacun aura compris que la marche vers les extrêmes nous mène au chaos. Nous sommes à l’heure du choix.
Et la France fera le bon, dites-vous. C’est un peu la méthode Coué tout de même?
Lorsque viendra le temps de pointer les responsabilités, nous le ferons. Pourquoi d’ailleurs voit-on une telle gêne… Parce que le dysfonctionnement a été général. Tout le monde a failli. Les élus qui ont sacrifié bien des principes pour des victoires électorales, les musulmans qui n’ont pas intégré les responsabilités qui était les leurs face à cette société qui les accueillait, etc. On peut continuer l’inventaire… Mais je crois que nous sommes tous d’accord: nous ne voulons plus que cela se reproduise.
Votre propos, volontaire, porte bien des espoirs. Est-il vraiment partagé?
Je ne suis qu’un simple député. Mais depuis trois jours, malgré la violence des événements, les retours sont excellents. J’entends peu ou pas la haine. De plus, pour faire simple, de François Hollande à Nicolas Sarkozy, je constate que toute la classe politique a fait face avec dignité. Derrière le petit théâtre de l’affrontement politique, il y a quelque chose de plus fort: c’est l’esprit de la république. Je suis Charlie est plus qu’une émotion. Je suis Charlie, c’est la démocratie plus forte que l’islamo-nazisme des terroristes.
(TDG)