Grèce: Syriza à l’épreuve de la réalité économique

 

Une gauche radicale au pouvoir dans un pays de l’Union européenne? Certes, Syriza est issue d’une alliance regroupant sociaux-démocrates, altermondialistes, ex-marxistes ou trotskistes, mais le «radical» est désormais plus dans l’acronyme de son nom (Coalition de la gauche radicale) que dans son orientation politique et surtout économique.

Son jeune leader, Alexis Tsipras, ne cesse de réaffirmer depuis le début de la campagne électorale que «la Grèce restera dans l’euro», tout en «luttant contre l’austérité en Europe». C’est sur ce positionnement qu’il s’est implanté dans les grands centres urbains et les milieux intellectuels, au-delà de son électorat habituel, altermondialiste, antiraciste et féministe. Car le constat est unanimement partagé par la population grecque: le 26 janvier, le prochain gouvernement va trouver un pays politiquement disloqué, socialement et économiquement dévasté, avec un taux de chômage de 30% et de 60% chez les jeunes, et un quart de la population vivant en dessous du seuil de pauvreté.

Le programme de Syriza est donc construit autour de quatre grands thèmes: la réponse face à la crise humanitaire, le redémarrage de l’économie, la reconquête de l’emploi et la refonte de l’Etat. Coût total estimé? 11,3 milliards d’euros. Pour y parvenir, il faudra renégocier le programme d’aide et l’effacement partiel de la dette publique (175% du produit intérieur brut) avec les créanciers de l’Union européenne et du FMI.

La relance de l’économie, elle, se ferait à travers une réforme fiscale: revenu non imposable à moins de 12 000 euros, suppression des nouvelles taxes et instauration d’un impôt progressif sur la fortune. Au niveau de l’emploi, Syriza prévoit de revenir à la précédente législation du travail, rétablissant le salaire minimum à 751 euros et les conventions collectives. De plus, 300 000 emplois seront créés dans les secteurs public et privé, ainsi que dans l’économie solidaire. Par ailleurs, une véritable politique de gestion des demandeurs d’emploi sera mise en place, ainsi que des mesures d’urgence pour les plus démunis: gratuité des soins médicaux, des transports et de l’énergie.

Ce sera un «New Deal européen avec une nouvelle éthique politique et la fin du clientélisme», confirme la jeune élue Rena Dourou. Politique qu’elle a commencé à mettre en œuvre en Attique, la région la plus peuplée de Grèce, gagnée par Syriza l’an passé. Avec plus de démocratie participative et directe, l’Etat et ses institutions auront une autonomie administrative et financière accrue et le parlement verra son rôle renforcé. Les médias, secteur très politisé en Grèce, seront aussi bousculés avec la réouverture de la télévision publique ERT, brutalement suspendue il y a un an.

Le résultat, quasiment acquis, de cette élection comporte néanmoins une inconnue décisive: les Grecs, décidés à en finir avec l’ancienne génération politique, donneront-ils la majorité absolue à Syriza? En lui épargnant les compromis d’une coalition, la formation de gauche serait alors en position de force pour pouvoir négocier avec des créanciers beaucoup plus coriaces que ceux de la Troïka.

(24 heures)