«La liberté de ne pas croire n’existe pas dans les pays musulmans»

 

Kacem el Ghazzali a dû quitter son pays, le Maroc, parce qu’il a publiquement déclaré son athéisme. Menacé de mort, il est entré en contact avec l’ambassade helvétique au Maroc et obtenu un visa pour la Suisse. Depuis 2011, il vit à Zurich.

L’athéisme n’est pas permis au Maroc?

La culture islamique ne fait aucune place à la non croyance. Devenir athée, c’est un acte de trahison. On est automatiquement perçu comme un étranger à sa propre société. Cette culture n’accepte pas la liberté de ne pas croire, elle n’autorise pas l’individu à faire ses propres choix, à penser par lui-même.

Quel a été votre cheminement?

Mon histoire, ce n’est pas seulement celle de quelqu’un qui devient athée. Dans ma communauté, j’ai revendiqué le droit de l’être, d’être accepté comme citoyen, comme humain. J’ai écrit des articles sur un blog. Certains ont été publiés dans la presse britannique. J’étais aussi très actif avec les ONG des droits de l’homme au Maroc. J’ai reçu des menaces de mort. La pression devenait trop forte. J’ai alors pris contact avec l’ambassade suisse et j’ai obtenu un visa. Je suis parti du Maroc pour la Suisse en 2011. Depuis, je vis à Zurich. Et je suis intervenu plusieurs fois au Conseil des droits de l’homme de Genève au nom de l’ONG International Humanist and ethical union (IHEU), spécialement à propos de violations des droits de l’homme dans les pays musulmans.

La réaction de pays musulmans à la nouvelle caricature de Mahomet en une de Charlie hebdo ne vous a pas surpris?

Non. Dans les pays musulmans, c’est banal. Tout musulman, même modéré et libéral, ne supporte pas l’idée de liberté d’expression. Il se trouve offensé pour un oui ou pour un non. Même si c’est de la part de quelqu’un qui n’est pas musulman ou qui a quitté l’islam. Le seuil de tolérance est très bas. Pour les islamistes, c’est pire. Dans leurs mosquées, les chrétiens et les juifs sont traités de singes ou de porcs. Si j’étais un immigrant né en Europe qui va à la mosquée dans un pays musulman et que je parle de mes voisins chrétiens ou juifs, cela m’exclurait aussitôt de la communauté.

Il y a beaucoup de gens qui pensent comme vous dans les pays musulmans?

Il y en a eu avant l’islam, pendant et il y en aura encore après. On n’en entend pas parler parce qu’il n’y a pas de réelle liberté d’expression dans les pays musulmans. Avec les réseaux sociaux, cette expression devient possible. Je reçois beaucoup de messages de jeunes qui vivent dans des pays musulmans. D’Egypte, beaucoup, d’Arabie saoudite ou du Pakistan. S’ils rejettent la religion musulmane, ce n’est pas pour se convertir, c’est parce qu’ils se déclarent agnostiques, sans croyances.

Est-ce différent d’être athée en Occident ou dans les pays musulmans?

Pour ceux avec qui j’ai été en contact en Occident, c’est un peu une mode, ou le fruit d’une éducation rationaliste. Pour moi, c’est un choix politique. Je m’oppose à la charia, la loi islamique. Je conteste les lois civiles inspirée par l’islam. Dans un pays musulman comme le Maroc, il y a un prix à payer à cet engagement. Il est cher. Car les autorités parlent au nom de Dieu. Mohamed VI, roi du Maroc, est commandeur des croyants. En 2012, le haut conseil de la religion a déclaré que le rejet de l’islam, l’apostasie, valait condamnation à mort. Ce qui est contraire à la constitution et en violation des droits de l’homme.

(24 heures)