Terrorisme: «La France est en guerre et elle doit l’assumer!»

 

Quinze jours après l’attentat ayant pris pour cible la rédaction de Charlie Hebdo, Manuel Valls a détaillé mercredi le plan des mesures contre le terrorisme. Ce sont près de 736 millions d’euros, 1400 postes supplémentaires et la création d’un fichier spécial des terroristes que le premier ministre socialiste a annoncés mercredi. La question sensible des écoutes a été reportée.

Le point avec Alain Marsaud. Ce député UMP, ex-juge, a dirigé le Service central de lutte antiterroriste à Paris. «Il faut tout d’abord saluer Manuel Valls de ne pas nous imposer une nouvelle usine à gaz. Depuis 1986, nous avons subi 18 réformes de la loi. Ici, nous avons surtout des améliorations techniques à des mesures existantes», commente Alain Marsaud.

Les moyens humains. D’une part, 1400 postes seront créés au ministère de l’Intérieur ces trois prochaines années, dont 1100 seront affectés au renseignement intérieur. Par ailleurs, quelque 950 engagements compléteront les effectifs de la Justice, de la Défense et des Finances.

«Tout cela va coûter de l’argent. Il va falloir déshabiller Pierre pour habiller Paul. Et personne ne veut nous dire qui est Pierre…» souffle l’ancien juge, qui considère que beaucoup de temps a déjà été perdu. «Les régimes successifs d’économies ont mis à mal nos services. Mais cela avait commencé déjà sous le précédent quinquennat», analyse cet élu UMP.

Trouver l’argent? Le casse-tête des lois de finances rectificatives – où trouver de l’argent – se posera encore pour les 736 millions d’euros, en trois ans, que va coûter la mise à niveau de l’équipement et des armes des policiers, gendarmes et policiers municipaux. «Il y aurait peut-être eu moins de Charlie si chacun avait saisi qu’il faudra faire des choix», ironise Alain Marsaud.

«Mais la période est exceptionnelle: la France est en guerre et elle doit l’assumer. L’ensemble de nos forces est engagé à l’étranger, d’Irak jusqu’au Mali. Personnellement, je le regrette, mais il faut le constater et comprendre que cela a des conséquences sur notre sécurité intérieure», affirme le député UMP.

«Déradicalisation» et renforcement des aumôneries musulmanes dans les prisons (soixante aumôniers supplémentaires doivent prêter main-forte au 182 actuels). «Je ne crois pas à ces programmes de déradicalisation. Je pense qu’on doit agir en amont et j’attends beaucoup du programme sur la laïcité dans l’éducation nationale que nous présentera la ministre de l’Education ce jeudi», glisse Alain Marsaud.

Quand aux aumôniers, selon lui, c’est une mesure de bon sens, «mais je ne pense pas que nous ayons 60 imams sous la main qui connaissent le contexte français et soient 100% de confiance. Travailler en milieu carcéral l’exige.»

Le fichier spécial des terroristes condamnés ou mis en cause obligera les suspects à donner leur adresse et des informations sur leurs activités en tout temps. «On réinvente un truc qui existe déjà! Mais la difficulté est de mettre en place un tel dispositif», avance Alain Marsaud. Selon les estimations, c’est quelque 2500 personnes qui seraient concernées en France uniquement.

La loi sur le renseignement sera, elle, traitée en mars. Elle devrait permettre d’écouter et de tracer plus facilement les suspects. «Il n’y a rien de révolutionnaire et le texte est prêt depuis des mois. On dira que c’est une adaptation nécessaire aux nouveaux modes de communication, à l’heure de mobile et du Web, de ce qui existait déjà. Dans les faits, cela va alléger le travail des policiers sur le terrain, qui n’auront pas à se référer tout le temps à un magistrat», se félicite l’ancien juge.

(TDG)