Un an de justifications et de démentis russes en Ukraine

 

Le Kremlin est passé maître dans l’art de décrire les événements en noyant le poisson ou en rejetant la faute sur une autre partie.

Depuis le début du conflit avec l’Ukraine, il y a presque un an, la Russie de Vladimir Poutine est passée maître dans l’art de décrire les évènements en noyant le poisson ou en rejetant la faute sur une autre partie. En septembre dernier, nos confrères de Slate.comavaient dressé la liste détaillée de ses excuses, que voici réactualisée avec les événements des cinq derniers mois, qui ont conduit à une brutale intensification du conflit ces derniers jours avec de nouvelles offensives des prorusses et des bombardements meurtriers à Marioupol.

2015

26 janvier: après le drame de Marioupol, Vladimir Poutine accuse l’Otan de se servir de l’armée ukrainienne comme d’une «Légion étrangère» dans le but de «contenir la Russie».

18 janvier: tout en démentant une nouvelle fois tout lien opérationnel avec les rebelles de l’est de l’Ukraine, la Russie se dit «prête à user de son influence sur les insurgés» pour les persuader de respecter le cessez-le-feu «dans un esprit de bonne volonté pour éviter de nouvelles victimes civiles».

2014

24 décembre: le Comité d’enquête russe sur le crash du vol MH17 affirme être entré en contact «avec un militaire ukrainien qui confirme avoir quitté de son plein gré son unité et est venu sur le territoire russe» et que, «selon ce témoin, l’avion de ligne Boeing 777 du vol MH17 pourrait avoir été abattu le 17 juillet par un avion militaire Su-25 des forces armées ukrainiennes, piloté par le capitaine Volochine».

18 décembre: interrogé par un journaliste ukrainien sur le nombre de militaires russes combattant aux côtés des séparatistes, Vladimir Poutine ne répond pas, évoquant seulement ceux qui «suivant l’appel de leur conscience, accomplissent leur devoir ou qui en tant que volontaires combattent dans l’Est de l’Ukraine», ajoutant qu’«il ne s’agit pas de mercenaires car ils ne reçoivent pas d’argent».

17 novembre: dans une interview à la chaîne de télévision allemande ARD, Vladimir Poutine dément toute aide logistique de la Russie aux rebelles prorusses de l’est de l’Ukraine:

«D’où proviennent leurs véhicules blindés et systèmes d’artillerie? Dans le monde contemporain, les gens qui mènent une lutte et qui jugent cette lutte légitime […] trouveront toujours des armes.»

12 novembre: le ministère russe de la Défense dément les propos alarmistes du commandant en chef de forces alliées de l’Otan en Europe, Philip Breedlove: «Nous avons déjà cessé de faire attention à ces déclarations sans fondement […] sur ces soi-disant convois militaires russes qu’il “voit” faire irruption en Ukraine.» Le même jour, le ministre Sergueï Choïgou dénonce «l’augmentation de la présence militaire étrangère à proximité immédiate des frontières russes».

10 novembre: lors d’une rencontre à Pékin avec le Premier ministre malaisien Najib Razak, Vladimir Poutine accuse les forces ukrainiennes de tirer «constamment» à l’artillerie sur la zone du crash du MH17, empêchant les experts «de travailler pleinement sur le site du crash».

27 septembre: après trois semaines de cessez-le-feu, le ministre des Affaires étrangères russes Sergeï Lavrov déclare à la tribune de l’Onu que «l’Ukraine est la victime [d’une] politique arrogante» des Occidentaux, qui n’ont pas tenu compte «de l’équilibre entre les intérêts légitimes de tous les peuples de l’Europe».

28 août: un leader séparatiste affirme que des soldats russes se battent en Ukraine, oui, mais sur leur temps de vacances.

26 août: après qu’un groupe de soldats russes a été capturé sur le sol ukrainien, l’armée russe affirme qu’ils s’y trouvaient «par accident».

22 août: l’Otan affirme que des troupes russes ont pénétré en Ukraine. Malgré des photos et des images satellites le prouvant, la Russie dément.

11 août: un convoi de camions russes pénètre dans l’est de l’Ukraine. Là où Kiev et les gouvernements occidentaux voient une provocation délibérée, la Russie affirme qu’ils transportent l’aide dont la région a besoin.

6 août: la Russie interdit les importations de plusieurs denrées en provenance de l’Union européenne, des États-Unis et d’autres pays qui ont imposé des sanctions contre Moscouen raison de son engagement supposé en Ukraine. L’interdiction provoque une flambée des prix pour les consommateurs russes. «Ces représailles n’ont pas été faciles à décider, on nous y a forcés», explique le Premier ministre russe Dmitri Medvedev.

17 juillet: le vol MH17 de Malaysia Airlines est abattu au-dessus de l’Ukraine. La responsabilité des rebelles pro-russes dans le drame est largement avancée et on affirme que la Russie leur a fourni des lanceurs de missiles sol-air Buk. Moscou affirme que c’est le pays dont l’espace aérien était traversé par l’avion qui est responsable du carnage, qui ne se serait pas produit si Kiev n’avait pas repris sa «campagne militaire» dans l’est de l’Ukraine. Les médias russes fournissent une série d’explications alternatives du crash:une tentative d’attentat de l’armée ukrainienne contre l’avion de Vladimir Poutine, une tentative de cacher la vérité sur le virus HIV, l’implication quelque part d’Israël ou celle des Illuminatis.

13 juillet: la Russie affirme que l’Ukraine a tué un civil russe en tirant un obus par-dessus la frontière. L’Ukraine dément. La Russie menace l’Ukraine de frappes aériennes et cette dernière explique que des véhicules militaires russes ont essayé de traverser sa frontière.

19 juin: deux semaines après l’élection à la présidence ukrainienne de Petro Porochenko, l’Otan annonce que des troupes russes sont de retour sur la frontière. La Russie dément.

31 mai: Ramzan Kadyrov, le président de la république russe de Tchétchénie, dément l’envoi de combattant tchétchènes en Ukraine mais affirme que certains ont pu s’y rendre«volontairement».

19 mai: la Russie affirme à nouveau qu’elle retire ses troupes, cette fois-ci parce que leurs manœuvres d’entraînement du printemps ont pris fin.

7 mai: la Russie annonce que ses troupes se sont retirées de la frontière. La Maison Blanche affirme ne pas disposer de preuves de ce retrait.

6 mai: la Russie exclut de nouvelles discussions à Genève, jugées inutiles puisque de toute façon, l’Ukraine ne respecte pas le processus de paix.

2 mai: la Russie accuse l’Ukraine d’avoir fait échouer le plan de paix de Genève, un accord qui incluait «la démobilisation des milices, le retrait des bâtiments gouvernementaux occupés et l’établissement d’un dialogue politique qui pourrait conduire à une autonomie accrue pour des régions de l’Ukraine». Moscou n’a admis aucun rôle dans les actions des séparatistes et ne s’est donc pas engagé sur leur respect du plan.

28 avril: la Russie condamne les sanctions qui lui sont infligées et assure aux États-Unis qu’elle n’envahira pas l’Ukraine.

24 avril: Poutine prévient que l’emploi de troupes ukrainiennes à l’intérieur des frontières ukrainiennes aura des conséquences.

23 avril: la Russie prévient qu’elle réagira si ses intérêts en Ukraine sont attaqués.

19 avril: on annonce que des «petits hommes verts» –des guerriers masqués dont on affirme qu’ils appartiennent aux forces spéciales russes– ont commencé à apparaître dans l’est de l’Ukraine. La Russie dément tout lien avec eux.

17 avril: Poutine finit par admettre la présence de troupes russes en Crimée, et ajoute qu’il espère qu’il n’aura pas à utiliser les pouvoirs que lui a confiés la Douma pour envoyer des troupes dans l’est de l’Ukraine (ou, comme il l’appelle désormais, Novorossiya).

15 avril: Poutine explique à la chancelière allemande Angela Merkel que l’Ukraine est au bord de la guerre civile et que la responsabilité de ce problème incombe à Kiev.

14 avril: Poutine et Obama ont un entretien téléphonique. Le dirigeant russe, qui continue de démentir jouer un rôle aux côtés des rebelles, enjoint son homologue américain d’exercer des pressions sur l’Ukraine pour qu’elle cesse d’utiliser la force.

6 avril: les rebelles pro-russes s’emparent de bâtiments gouvernementaux dans des villes de l’est de l’Ukraine, Donetsk, Louhansk et Kharkiv (ils seront repris par les forces ukrainiennes deux jours plus tard). La Russie explique que sa présence à proximité des rassemblements pro-russes, à l’occasion d’exercices militaires le long de la frontière, est en conformité avec le droit international. Le gouvernement ukrainien affirme que la Russie finance les rebelles, ce que Moscou dément.

18 mars: après un référendum par lequel 96,7% des habitants de la Crimée ont approuvé le rattachement à la Russie –le maintien au sein de l’Ukraine ne faisait pas partie des options proposées–, Moscou annexe son territoire. «Dans nos coeurs, nous savons que la Crimée a toujours été une partie inaliénable de la Russie», explique Poutine.

1er mars: la chambre haute du Parlement russe approuve l’usage de la force armée en Ukraine. Une mesure qu’un de ses membres justifie par le désir de «protéger la population de la Crimée de l’anarchie et de la violence».

28 février: la Russie envahit la Crimée… en quelque sorte. Alors que des hommes masqués et armés s’emparent d’installations militaires clés dans la région, Moscou dément lancer une offensive militaire. Pendant ce temps-là, le Parlement russe examine une loi facilitant le rattachement de territoires au cas où, pour une raison quelconque, un pays étranger se trouverait «ne pas avoir d’autorité souveraine effective» dessus.

26 février: Poutine ordonne des exercices militaires près de la frontière ukrainienne sous le prétexte de protéger les droits des populations russes en Crimée.

Slate.fr