Guerre en Ukraine: Panique à Artemivsk, si près du front prorusse

 

Affalé dans un fauteuil roulant, l’homme ne prête qu’une attention distraite à l’agitation d’un groupe de soldats en uniforme. Ils viennent d’escalader sans ménagement les trois étages de l’hôpital de Zelejnodorojna, chargés d’une civière sur laquelle est étalé un de leurs camarades. Lui ne contrôle plus sa main droite, qui tremble en tapotant sa jambe couverte d’un pansement ensanglanté. Une scène à laquelle l’homme en fauteuil roulant semble habitué. Sa jambe gauche est paralysée, couverte d’un plâtre rudimentaire.

«Ce sont environ 200 soldats dont nous prenons soin ici», explique Iouriy Mateya. Ce médecin réserviste de la garde nationale ukrainienne, venu de Kiev, court d’une pièce à une autre, où des dizaines de soldats sont répartis sur des matelas sommaires. La petite ville d’Artemivsk, à 45 km de la ville assiégée Debaltseve, est l’un des centres de premiers soins pour les blessés du front.

«Ils ont besoin de plus d’aide que jamais», explique le jeune volontaire Iouriy Sabera. Lui est arrivé la veille de Lviv, dans l’ouest de l’Ukraine. La ville d’Artemivsk, au nord de la zone de combats, il la connaît bien, surtout l’hôpital. Avec plusieurs autres, il fait régulièrement le trajet pour livrer des colis médicaux collectés ici ou là.

Stratégie suicidaire?

Au sud, l’avancée des séparatistes est vraisemblablement ralentie par une résistance ukrainienne plus farouche qu’attendue. Le haut commandement ukrainien prend le risque d’enterrer ses troupes dans des positions extrêmement exposées. Un entêtement que beaucoup jugent contre-productif, comme l’avait prouvé l’échec sanglant de la défense des ruines de l’aéroport de Donetsk. D’autant que cette stratégie revient à mener la guerre par bombardements interposés. Les belligérants déploient leurs batteries dans des zones résidentielles et tirent des salves aveugles et meurtrières.

Dans la cour de l’hôpital, le ballet d’ambulances atteste de la recrudescence des violences à Debaltseve. «Depuis une semaine, nous recevons entre 45 et 50 blessés par jour», précise Iouriy Mateya. «Je ne parle que des militaires. Les nombreux civils blessés sont envoyés ailleurs…»

L’encerclement progressif de Debaltseve pousse vers Artemivsk des centaines de personnes blessées ou évacuées. Un mauvais présage, pour une ville qui a jusque-là été épargnée par les horreurs de la guerre. Contrôlée par les forces séparatistes pendant quelques semaines au printemps, Artemivsk a été choisie par la suite pour abriter les quartiers généraux de plusieurs unités des forces ukrainiennes. Dans les rues, les convois militaires sont fréquents, et défilent à vive allure devant des files d’habitants qui prennent d’assaut, chaque jour, les rares guichets automatiques de la ville.

«Il faut penser à survivre»

«Il y a quelque chose qui change depuis une semaine. Une sorte de vent de panique», confie Maria Vladimirovna, pendant qu’elle promène son petit-fils sous une fine pluie d’hiver. «Le front se rapproche», admet-elle, inquiète. Beaucoup de ses amis ont déjà prévu leur fuite, le cas échéant. Dans les différents quartiers, l’aménagement d’abris souterrains s’accélère. «Pour ou contre les Ukrainiens ou les séparatistes, ce n’est plus la question. Maintenant, il faut penser à survivre», conclut Maria Vladimirovna.

(24 heures)