France: Au procès, on n’attend plus que DSK

 

Dominique Strauss-Kahn devra convaincre les juges qu’il ne savait pas que ses partenaires sexuelles de rencontre étaient des «pros», rétribuées par ses amis.

Il est venu lundi, à l’ouverture du procès, celui que toute la presse attend parce qu’il est la célébrité mondiale qui rend l’affaire hors norme. Mais l’homme politique déchu, emporté par le scandale du Sofitel en 2011 et une nouvelle fois exposé par l’affaire du Carlton, n’a répondu alors qu’à quelques questions en préambule du président du tribunal correctionnel, Bernard Lemaire.

Est-il déjà allé à l’hôtel Carlton? A-t-il rencontré deux des principaux co-prévenus, René Kojfer, le chargé de relations publiques de l’hôtel, cheville ouvrière supposée du réseau, et Dominique Alderweireld, alias Dodo la saumure, accusé d’en être le pourvoyeur? «Jamais».

Pour le reste, déclare le juge, «on en reparlera la semaine prochaine». «Bien sûr», lui dit M. Strauss-Kahn, visage fermé mais affable.

«Roi de la fête»

Au cours de son audition, l’ancien directeur du Fonds monétaire international (FMI), longtemps favori pour l’élection présidentielle de 2012, va devoir effectivement «reparler», au fond et dans le détail, du principal soupçon qui le vise: celui d’avoir été le «Roi de la fête», de ces parties fines pour lesquelles ses amis rameutaient des prostituées.

Simple libertinage, vie privée, s’est toujours défendu DSK, plaidant l’ignorance. Il encourt toutefois 10 ans de prison et 1,5 million d’euros d’amende si les juges ne concluent pas à la relaxe et ne suivent pas le parquet, qui avait requis le non-lieu durant l’instruction.

L’épreuve à venir pour Strauss-Kahn, qui constituera le clou de cette deuxième semaine du procès, c’est sa confrontation avec les témoignages d’anciennes prostituées. Elles le trouvent, sarcastiquement, au mieux «bien naïf», pour un homme qui a exercé de si hautes responsabilités, de n’avoir deviné leur qualité de dame galante, lors d’ébats sexuels qu’elles ont pu qualifier de «carnage».

Témoignages de prostituées

Le président Lemaire a toutefois prévenu lundi: «Le tribunal n’est pas le gardien de l’ordre moral mais celui du droit et de sa bonne application». Un rappel utile pour les deux camps en présence mais aussi une boussole pour une opinion publique à laquelle les détails croustillants de ces témoignages pourraient faire perdre le nord.

Derrière le proxénétisme aggravé qui le motive, ce procès ne devrait donc pas tourner à la dénonciation de la prostitution que souhaitent les associations qui se sont portées partie civile.

Ce que l’on peut retenir de la première semaine, plus que ceux de huit des 14 prévenus qui ont comparu, c’est pourtant bien le témoignage de plusieurs de ces femmes, également parties civiles. Malgré la difficulté d’évoquer un passé qu’elles avaient mis tant d’énergie à dissimuler à leurs proches et qui vient soudainement resurgir.

«Filles», parfois «maîtresses», l’euphémisme est souvent de mise au procès du Carlton. Il faut parfois «parler clair» et appeler ces dames des prostituées. «On a du mal à poser les mots», a fait remarquer à plusieurs reprises la substitut du procureur, Aline Clérot.

Théories du complot

Alors face aux bonnes réparties, au cynisme de prévenus qui en ont vu d’autres, aux truculences de Dodo qui prétend «faire de l’Audiard», le témoignage parfois glaçant des anciennes prostituées est venu rappeler que ce monde est loin d’être festif et tout rose.

«On était à 12 ou 15 dans une cuisine de 3 mètres sur 5 (…). On se préparait et on était présentées comme de la viande sur des esses (crochets de bouchet). Il fallait une certaine variété pour que le client puisse faire son marché», raconte «Jade», de son expérience dans une maison de Dodo la Saumure, en Belgique.

Enfin, la première semaine aura été marquée par les va et vient de la théorie du complot. «Tout est orchestré, tout est organisé!», a martelé l’un des prévenus, avocat de son métier, qui invoque un «cabinet noir» visant DSK.

(ats)