
Les révélations du journal Le Monde sur la branche suisse de la banque HSBC ont mis à nu un système de fraude fiscale globalisée, projetant sur le devant de la scène plusieurs noms connus. Dans les personnalités concernées par ces Swissleaks, acteurs, hommes politiques et sportifs côtoient dynasties royales et chefs d’entreprise.
En France, selon Le Monde, sur les 6.000 fiches que détient le fisc français, près de 3.000 ressortissants seraient directement concernés par les Swissleaks – un chiffre également évoqué par Eric Woerth en 2009 lorsqu’il était ministre du Budget et en possession d’une liste d’évadés fiscaux.
Sur les trois milliers de ressortissants, moins d’une dizaine (0,2%) seraient déclarés au fisc français, selon un rapport établi en 2013 par Christian Eckert, alors député (PS) de Meurthe-et Moselle, et cité par Le Monde. Détenir un compte en Suisse est légal si l’on est Français résident fiscal en Suisse ou que l’on a déclaré son compte au fisc.
Si Le Monde et les autres journalistes du Consortium des journalistes d’investigation (ICIJ) qui ont mené l’enquête n’hésitent pas à publier les noms de personnalités concernées, il n’en va pas de même en Suisse, où Le Temps a décidé de s’abstenir de divulguer les noms des ressortissants suisses concernés. “Conformément aux principes usuels en Suisse, Le Temps et ses partenaires médias helvétiques ont décidé de ne pas publier leurs noms. Etre riche ou célèbre n’est pas, en soi, une raison suffisante pour voir divulgués les détails d’une situation financière. En revanche, l’intérêt public justifie de publier les noms de personnalités politiquement exposées dont il est connu qu’elles sont sous enquête, de criminels condamnés, de hauts personnages impliqués dans des comportements douteux”, a expliqué le journal.
Sur la liste du Monde, beaucoup de prête-noms et d’inconnus, mais également des personnalités. Tous les univers se croisent : royauté, acteurs, magnats de la mode, sportifs, politiques ou grands patrons.
Cinéma, chanson, mode : les artistes
Le comédien et humoriste Gad Elmaleh (DR)

Grâce à ses différentes apparitions dans des publicités louant les services du Crédit du Maroc (2000) et LCL (2014), Gad Elmaleh, bien connu du public français, est l’un des noms les plus cités. L’humoriste et acteur aurait hébergé 80.000 euros chez HSBC entre 2006 et 2007. Depuis, Elmaleh a régularisé sa situation, affirme le quotidien du soir.
Le chanteur Philippe Lavil, qui assure au Monde “(ne pas avoir de) désir de (s)’évader fiscalement, je n’en ai d’ailleurs jamais eu les moyens”, avait hérité d’avoirs à l’étranger et a été contacté par le fisc il y a quelques années. Depuis, la situation est régularisée.
Lisa Azuelos, réalisatrice du film LOL, figure également dans la liste des clients. Elle assure, par la voix de son attachée de presse, que “tout est maintenant réglé” sans plus de précisions.
A l’international, le photographe de mode Helmuth Newton, le couturier Valentino Garavani, la top model Elle McPherson ou la styliste belgo-américaine Diane Von Fürstenberg, à la tête de la marque éponyme, sont également cités dans la liste des détenteurs de comptes chiffrés dans la branche suisse de HSBC. Le chanteur sénégalais Youssou N’Dour, Phil Collins et les acteurs américain Joan Collins et John Malkovitch sont également concernés, même si ce dernier a nié avoir eu connaissance de l’existence d’un compte bancaire en Suisse.
Des dynasties familiales

Jacques Dessange, fondateur de la chaine de coiffure du même nom. (Sipa)
Plusieurs familles propriétaires d’un empire commercial sont épinglées : on retrouve Arlette Ricci, petite-fille et héritière de la maison de couture de Nina Ricci, est soupçonnée d’avoir caché 18,7 millions d’euros, notamment via des sociétés-écran basées au Panama, selon Le Monde. Arlette Ricci a toujours démenti en bloc – une attitude qui devrait l’amener à comparaître devant les juges en février, affirme le quotidien.
Le fondateur de l’empire de la coiffure Jacques Dessange, implanté dans 46 pays, a possédé un compte client entre 2003 et 2006 qui regroupait pas moins de 10 comptes bancaires, totalisant jusqu’à 1,6 million d’euros en 2006. Contacté par le fisc après découverte de ce compte lié à une société-écran au Panama créée en 2005, il a régularisé sa situation “il y a deux ou trois ans”, pénalités incluses, selon un de ses avocats. “Cela lui a coûté cher”, a-t-il commenté auprès du Monde.
Les anciens propriétaires de l’empire Tati sont également épinglés : Fabien Ouaki, qui a vendu la société familiale en 2004, a hérité de son père un compte caché en Suisse, créé dans les années 1950 par Jules Ouaki, le fondateur de l’enseigne de vêtements à bas prix. Le “fils Tati” a depuis régularisé sa situation. La tentaculaire famille Trabelsi, dont est issu Belhassen, le beau-frère de l’ex-président tunisien Ben Ali, serait également présente dans les listings.
Reste le cas insolite d’Edouard Stern, à la tête de la banque Stern. L’homme d’affaires est connu pour … avoir été assassiné en 2004 par sa petite amie. Son nom est lié avec ceux de treize autres clients à un compte bancaire HSBC qui aurait hébergé jusqu’à 16,8 millions de dollars en 2006-2007.
Des rois et reines
Le roi Mohammed VI du Maroc a reçu François Hollande en avril 2013. (Reuters)
Le roi Abdallah de Jordanie est également concerné : un compte a son nom a été créé en 2006 et les comptes bancaire qui y étaient reliés ont hébergé jusqu’à 41,8 millions de dollars en 2006-2007. Un porte-parole a affirmé à l’ICIJ que le roi était exempté de taxes et que le compte n’était utilisé que pour des transactions officielles.
Le roi du Maroc Mohamed VI, attendu à Paris pour rencontrer François Hollande ce lundi, possède une fortune estimée à 2,1 milliards de dollars. Les comptes bancaires qu’il possédait en 2006-2007 chez HSBC contenaient jusqu’à 9,1 millions de dollars.
Le sultan d’Oman, Qabous Ibn Saïd, serait client de la banque depuis quarante ans et ses comptes bancaires contenaient jusqu’à 44.6 millions de dollars entre 2006 et 2007.
La deuxième femme du roi de Malaisie, la sultane Kalsoum, aurait également possédé un compte client chez HSBC entre 1994 et 1997, ainsi que de nombreux membres de la famille royale saoudienne.
Sportifs, hommes politiques
Christophe Dugarry, ancien footballeur (Reuters)
Aymeri de Montesquiou, sénateur (UDI) du Gers, est associé dans les fichiers de la banque à un compte ouvert dans les années 1990 et fermé en 1994, lui-même lié à une société écran basée au Panama, rapporte le quotidien. Le sénateur dément au Monde avoir un compte à l’étranger.
Christophe Dugarry, champion du monde de football en 1998, reconverti en consultant sportif, a ouvert en 2005 un compte garni de plus de 2 millions d’euros, alors que le pilote de Formule 1 Fernando Alonso et le multiple champion du monde de moto Valentino Rossi sont également concernés par le scandale.