Procès DSK: «Je me suis fait empaler sans rien pouvoir dire…»

 

Au deuxième jour d’audition devant le tribunal correctionnel, à Lille, de l’ancien patron du FMI, Jade prend son souffle, lorsqu’on lui demande d’expliquer ce qu’il s’est passé dans la chambre bruxelloise de DSK, après une soirée dans un club échangiste belge en automne 2009. Le célèbre prévenu, qui comparaît pour proxénétisme aggravé, était retourné à son hôtel en compagnie de deux femmes, dont elle. Elle évoque, avec difficulté, sans pouvoir réprimer des larmes, un moment «plus que désagréable» dans la chambre.

«Moi, chaque fois que je vois sa photo, je revis (ce moment) qui me déchire dedans, parce qu’aucun client n’aurait jamais fait ça», souffle-t-elle. «Quand on est amoureux, on pose la question avant ce genre de pratique. Est-ce que je peux… Est-ce que tu aimerais… Là, je me suis fait empaler sans rien pouvoir dire…» réplique-t-elle à une question d’un avocat de DSK. Le président du tribunal tique alors sur le terme de «client». «Si j’étais libertine, il m’aurait quand même posé la question», conclut-elle. Ensuite, Jade se reprend, mais réitère: «Pour m’avoir infligé ce qu’il m’a infligé, il ne pouvait avoir que peu de respect pour moi.»

Jade indique que lorsqu’elle raccompagne DSK et une autre femme à son hôtel bruxellois, elle explique, au détour de la conversation, qu’elle est «indépendante» et fait des spectacles de danse, choisissant parmi les spectateurs celui avec lequel elle aura ensuite un rapport. Elle ne parle cependant pas d’argent.

«Une boucherie»

La tension monte lorsqu’elle parle de l’arrivée du trio à l’hôtel et des scènes qui vont suivre. Auparavant, Jade a décrit la soirée au club échangiste belge, «une boucherie», selon elle. «Me retrouver avec ce tas de formes… en plus je suis agoraphobe», dit Jade, précisant qu’elle n’avait pas eu de rapport avec DSK sur place.

Femme par femme, soirée par soirée, le Tribunal correctionnel de Lille continuait mercredi à détailler les rencontres de DSK à Paris, Bruxelles ou encore Washington, auxquelles participaient, à son insu, insiste l’ancien directeur du FMI, des prostituées.

Toute la journée de mardi, DSK, accusé de proxénétisme aggravé, s’en est tenu à sa ligne de défense: il ne savait pas que les jeunes femmes qui accompagnaient ses amis du Nord étaient des professionnelles. Jade, et une autre ancienne prostituée, avaient en revanche déjà insisté sur le caractère brutal des rapports intimes, ce qui, selon elles, montrait bien que DSK savait parfaitement qui elles étaient. Deux autres hommes sur le banc des prévenus, l’entrepreneur David Roquet et le policier Jean-Christophe Lagarde, doivent également rendre des comptes mercredi sur les soirées de leur petit groupe d’amis.

«Ce n’était pas du libertinage»

La veille, Jade avait également témoigné. «Il y avait un monsieur (ndlr: DSK) avec beaucoup de femmes autour», commence-t-elle. «Ce n’était pas du libertinage, il n’y avait pas d’autres hommes», raconte l’ancienne prostituée belge, qui parle d’une séance «un peu bestiale». Expliquant lui avoir prodigué une fellation avec préservatif, elle se permet d’ailleurs un mot, répondant au juge qui lui demandait si elle avait parlé avec DSK: «Pas vraiment, car je l’avais en bouche.»

Jade, dans des vêtements amples et sobres, coupe au carré et lunettes, avec son intelligente impertinence, raconte encore avoir reconnu le «monsieur» plus tard à la télévision. «C’est lui, mais il est habillé!» Sa vivacité d’esprit ne doit pas cacher un parcours de vie chaotique et pénible, rappelle le président en lisant l’analyse d’un expert, mentionnant le QI élevé de l’ancienne prostituée. «Elle mérite notre compassion», avance même DSK. Il ne cherche visiblement pas la confrontation directe avec Jade. «Je suis sûr que Jade dit la vérité», poursuit-il. «On a tous des souvenirs» dans ce dossier, «tout cela est fluctuant», y compris au regard des expériences douloureuses vécues par les anciennes prostituées.

«Cette rencontre au Murano, je ne l’ai pas vécue comme ça», conclut DSK. Son avocate est la seule jusqu’à présent à avoir réussi à déstabiliser Jade.

(20 minutes/afp)