Afrique centrale: Boko Haram attaque pour la première fois le Tchad

 

Les assaillants ont traversé le lac à bord de quatre hors-bords et ont attaqué la presqu’île de Ngouboua, a affirmé le porte-parole de l’armée tchadienne, Azem Bermandoa Agouna, à la radio nationale. «Ils ont commencé à tirer sur tout ce qui bouge, les militaires ont riposté», a-t-il dit, ajoutant que les islamistes avaient ensuite fui en direction du Nigeria avec les militaires «à leurs trousses».

Un «important chef» présumé de Boko Haram, qualifié de «financier» des islamistes dans la zone de Diffa, a été arrêté jeudi, a indiqué vendredi à l’AFP un responsable politique de cette région du sud-est du Niger, attaquée depuis une semaine par le groupe armé. «Les forces de sécurité ont arrêté hier (jeudi) Kaka Bounou, le plus important chef de Boko Haram dans la région de Diffa avec plusieurs autres personnes, tous des Nigériens», a affirmé ce responsable politique, sous couvert d’anonymat. Ce riche commerçant nigérien, qui est «le chef suprême de Boko Haram à Diffa mais également son financier», «a été mis aux arrêts», a précisé à l’AFP un élu local. D’après une source humanitaire, l’homme a été «neutralisé par l’armée» nigérienne «à l’aide d’infos données par l’armée française». Son interpellation expliquerait le calme récent à Diffa, où les «éléments infiltrés» ne sont «plus guidés», a-t-elle ajouté. Jeudi, le porte-parole de l’armée nigérienne avait annoncé l’interpellation de «plusieurs terroristes», sans préciser leur identité.

Le bilan officiel fait état d’un mort et quatre blessés chez les militaires tchadiens, alors que le chef de canton a été tué par une «balle perdue». Côté Boko Haram, deux combattants ont été tués dans la riposte et cinq autres blessés. Une source sécuritaire a pour sa part fait état de la mort de trois autres civils.

Village en partie brûlé

Les éléments de Boko Haram sont arrivés de Baga (Nigeria), sur la rive opposée du lac aux environs de 03h00 et s’en sont pris à la fois au village et au camp militaire. Les deux tiers du village ont été incendiés, selon cette source. L’aviation tchadienne est ensuite entrée «en action» et a détruit tous les «hors bords».

Le village de Ngouboua, situé sur une presqu’île à 18 kilomètres du Nigeria, accueille plus de 7000 réfugiés de ce pays fuyant les combats.

Les attaques se multiplient

Le lac Tchad était jadis un carrefour commercial stratégique pour les quatre pays riverains (Tchad, Cameroun, Niger, Nigeria), mais depuis des mois, Boko Haram multiplie les attaques sur ses rives nigérianes et l’insécurité paralyse les échanges économiques, aujourd’hui au point mort.

Il s’agit de la première attaque du groupe islamiste nigérian sur le sol tchadien, alors que le Tchad a déjà engagé ses troupes dans de violents combats contre le groupe au Nigeria.

La sanglante insurrection contrôle de vastes territoires du nord-est du Nigeria où elle a fait au moins 13’000 morts depuis 2009. Jeudi encore, les islamistes ont tué au moins 21 personnes dans deux attaques distinctes de villages situés à proximité de Maiduguri, la capitale de l’Etat de Borno (nord-est) et berceau de l’insurrection.

Quelques heures plus tard, un attentat-suicide commis par une femme à Biu, toujours dans l’Etat de Borno, faisait au moins 11 morts.

Mobilisation régionale

L’insurrection a pris ces derniers mois une ampleur régionale. Les pays du bassin du lac Tchad (Tchad, Niger, Nigeria, Cameroun et Bénin) ont prévu de mobiliser 8700 hommes dans la force multinationale contre le groupe islamiste.

Le Niger a rejoint lundi le Cameroun, engagé depuis plusieurs mois dans sa région de l’Extrême-nord infiltrée par les insurgés, et le Tchad, mobilisé depuis un mois.

Prenant l’initiative, le président tchadien Idriss Deby Itno avait décidé de lancer ses troupes – déployées de part et d’autre du lac Tchad – dans la bataille, sans attendre. Le 3 février, son armée a mené une grande offensive terrestre au Nigeria à partir du Cameroun, reprenant aux islamistes la localité nigériane frontalière de Gamboru après de durs combats.

Contre-attaque meurtrière

Mais le lendemain, Boko Haram a mené une contre-attaque à Fotokol, particulièrement sanglante: 13 militaires tchadiens, six soldats camerounais et 81 civils ont péri dans cet assaut, selon Yaoundé.

Les islamistes ont également lancé la semaine dernière les premières attaques meurtrières au Niger, où 109 combattants de Boko Haram, quatre militaires et un civil ont été tués.

(ats/afp)