Etats-Unis: Maison-Blanche, la récolte de dollars a commencé

 

Hillary Clinton, Jeb Bush et les autres n’ont pas encore livré aux Américains leur vision pour les Etats-Unis, mais en privé, une classe d’hommes d’affaires, consultants et chefs d’entreprises ont déjà un accès direct aux candidats, lors de réunions et réceptions fermées à la presse et au grand public.

Il faut lire les indiscrétions de presse pour connaître l’itinéraire de Jeb Bush, le républicain le plus avancé, dont l’agenda reste privé en grande partie.

«Politico» rapportait qu’il a participé jeudi à une réception de lever de fonds, 5000 dollars par personne, pour son comité de soutien. Une broutille après les 100’000 dollars que les banquiers de Wall Street devaient débourser mercredi pour la réception organisée par Henry Kravis, milliardaire du fonds d’investissements KKR pour le frère de George W. Bush.

 Millionnaires très courtisés

Pour le club des millionnaires américains, aucun candidat potentiel n’est injoignable au téléphone. Certains milliardaires sont très courtisés: les frères Charles et David Koch, le magnat des casinos Sheldon Adelson, les patrons de fonds spéculatifs Robert Mercer et Paul Singer, l’ancien patron de fonds spéculatifs Tom Steyer, l’ancien maire de New York Michael Bloomberg…

Ces hommes ne se contentent pas de chèques de quelques centaines de milliers de dollars, ils entendent exercer une influence directe sur le résultat des élections.

Les Koch ont prévu, via le réseau d’organisations sous leur contrôle, de lever 889 millions pour faire élire le républicain le plus ultralibéral possible, soit plus que ce que les partis nationaux démocrate et républicain ont dépensé en 2012, à eux deux.

Leur pouvoir est tel qu’ils font quasiment passer aux candidats aux primaires des entretiens d’embauche. Trois sénateurs ambitieux, Rand Paul, Ted Cruz et Marco Rubio, ont participé à un débat en janvier organisé par l’organisation des Koch, Freedom Partners Chamber of Commerce, devant quelques centaines de donateurs du réseau.

2,6 milliards en 2012

Une campagne présidentielle coûte cher, et l’adoubement d’un milliardaire comme Charles Koch ou Sheldon Adelson se traduit par un appui financier équivalant à des centaines de milliers de petits dons de particuliers.

En 2012, toutes sources confondues, 2,6 milliards de dollars ont été dépensés pour départager Barack Obama de Mitt Romney, selon le Center for Responsive Politics. Sur ce total, environ 1,1 milliard avaient pris la forme de dons directs aux candidats eux-mêmes. Ces dons sont plafonnés, réglementés, et seuls les particuliers peuvent donner.

Un autre milliard – et c’est la nouveauté de ces dernières années – avait été levé par des organisations extérieures, officiellement indépendantes des candidats, grâce à une déréglementation du financement électoral, notamment après une décision de la cour suprême en 2010. Pour ces groupes, il n’y a plus de plafonds, et les entreprises ont le droit de contribuer directement. Certains statuts permettent même de ne pas publier la liste des donateurs: un argent dit sombre («dark money»).

Fin des réglementations

La prochaine élection sera marquée par la croissance irrépressible de ces sources non institutionnelles, capables de bombarder les écrans de publicité.

Les réglementations strictes adoptées dans les années 1970 puis en 2002, après des scandales de corruption à la fin des années 1990, sont de facto en train de voler en éclats, analyse Paul Ryan, l’un des meilleurs experts du financement électoral, au Campaign Legal Center, une organisation qui pourfend les abus et n’hésite pas à parler de corruption.

«Les plafonds de contributions aux candidats, qui étaient en place depuis des décennies et qui sont pour cette saison de 2700 dollars par donateur, ne veulent plus rien dire», affirme l’expert à l’AFP. «Depuis 2010, on observe un retour du financement illimité et corrupteur de la vie politique, comme à la fin des années 1990, et dans la période précédant les années 1970».

(ats)