
Après son passage en force à l’assemblée sur une loi économique qui a fracturé sa majorité, le gouvernement socialiste français affrontait jeudi soir une motion de censure déposée par l’opposition. Celle-ci n’a cependant quasiment aucune chance de passer.
Dans le cas contraire, le gouvernement de Manuel Valls tomberait et le président François Hollande devrait composer une nouvelle équipe susceptible de recueillir la confiance de la majorité des députés.
Mais les «frondeurs» socialistes qui refusaient de voter la loi controversée défendue par le jeune ministre de l’Economie Emmanuel Macron, trop libérale à leur goût, ont d’ores et déjà annoncé qu’ils ne joindraient pas leur voix à celles de la droite.
Orientations économiques «sociales-libérales»
Ce groupe d’une trentaine de députés, très remontés contre les orientations économiques «sociales-libérales» de l’exécutif, ont franchi la ligne rouge mardi en annonçant leur refus de voter en première lecture le projet de loi «pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques». Celui-ci prévoit parmi diverses mesures une extension du travail le dimanche et un assouplissement du code du travail.
Le gouvernement table sur cette loi pour redonner un peu de tonus à une croissance en berne et démontrer aux instances européennes sa volonté de réformer le pays.
«49-3»
Arguant que le texte avait déjà donné lieu à 200 heures de discussions à l’Assemblée et à l’adoption d’un millier d’amendements, il a décidé de recourir à la procédure expéditive dite du «49-3» (un article de la Constitution): le texte, qui n’est pas soumis au vote, est considéré comme adopté sauf si une motion de censure retire sa confiance au gouvernement.
L’usage du «49-3», autrefois relativement courant, est aujourd’hui limité à une fois par session parlementaire. Il n’a en fait pas été utilisé depuis 2006. Le débat sur la motion de censure de la droite aura lieu à partir de 16H00 avant un vote à 18H00.
Sarkozy: «faiblesse» de l’exécutif révélée
Outre l’UMP, principal parti de l’opposition de droite, le texte qui dénonce le «passage en force» du gouvernement, sera voté par le petit parti UDI (centre-droit), le Front National (FN, extrême droite), et le Front de gauche (communistes et extrême gauche). Un total théorique de 240 voix, alors que la majorité absolue est de 289 voix.
Le groupe socialiste compte au total 288 voix et peut habituellement compter sur les 18 voix du petit parti radical.
L’ancien président Nicolas Sarkozy, président de l’UMP, a estimé jeudi que le recours au 49-3 révèle la «faiblesse» de l’exécutif et est la conséquence des «mensonges» répétés de François Hollande.
«Quand on a expliqué pendant toute une campagne (présidentielle en 2012) qu’on ferait une politique de gauche, qu’il n’y avait pas de crise dans le pays, que tout était dû à un certain Nicolas Sarkozy», «on crée les conditions de la révolte», a-t-il accusé.
«Poursuivre les réformes»
François Hollande a souligné mercredi que le rejet attendu de la motion de censure montrerait qu’il n’y a «pas de majorité alternative».
Jeudi après-midi, son Premier ministre réaffirmera pendant un discours d’une vingtaine de minutes «la détermination à poursuivre les réformes», selon son entourage. Mais dorénavant, l’exécutif ne pourra plus utiliser l’article 49-3 durant cette session parlementaire.
Et la fin du psychodrame ne signe pas la réconciliation entre le «social-libéral» Manuel Valls, convaincu d’avoir le pays avec lui, et ceux qu’il appelle la «gauche passéiste», qui dénoncent son autoritarisme.
L’épisode, qui intervient à quelques semaines d’élections départementales qui s’annoncent désastreuses pour la gauche, a aussi fracturé le Parti socialiste, en pleine préparation de son congrès interne en juin.
(ats)